L'accélération de l'enquête doit beaucoup aux révélations faites par la princesse Hélène de Yougoslavie. Les proches de Nicolas Sarkozy montaient au front hier, pour défendre la position du président français, indirectement atteint par une sombre affaire de corruption au Pakistan, mais au prix de maladresses qui suscitaient de nouvelles critiques. Deux amis de Nicolas Sarkozy ont été mis en examen (inculpés) dans le cadre d'une enquête sur un circuit de corruption présumé ayant accompagné la vente de sous-marins français au Pakistan. A des commissions versées à des décideurs, légales à cette époque, se seraient ajoutées des «rétrocommissions» par lesquelles une partie des sommes revenait illégalement en France. Les enquêteurs cherchent à vérifier si des mallettes d'argent liquide auraient ainsi pu financer en 1994-1995 la campagne présidentielle d'Edouard Balladur, dont Nicolas Sarkozy était à l'époque l'un des plus proches collaborateurs et le porte-parole. «Un complot contre le président de la République», a dénoncé le député de droite Axel Poniatowski, emboîtant le pas à l'Elysée et à une bonne partie du gouvernement, qui évoque «calomnie et manipulation» à sept mois de l'élection présidentielle. Jeudi, un ami intime du président, Nicolas Bazire, 54 ans, a été inculpé. Il était le directeur de campagne d'Edouard Balladur lorsque celui-ci avait défié sans succès Jacques Chirac pour la présidentielle de 1995. La veille, un ancien conseiller en communication de M.Sarkozy, Thierry Gaubert, 60 ans, avait déjà été inculpé dans ce dossier des rétrocommissions, qui embarrasse d'autant plus que la justice se demande s'il n'est pas lié à un attentat en mai 2002 à Karachi, dans lequel 15 personnes dont 11 Français ont été tuées. L'accélération de l'enquête doit beaucoup au témoignage de la princesse Hélène de Yougoslavie, épouse de Thierry Gaubert, dont elle est aujourd'hui séparée. Elle a déclaré que son mari accompagnait en Suisse un intermédiaire dans des contrats d'armement, pour aller chercher des valises de billets «volumineuses». Et, selon elle, c'est Nicolas Bazire qui les récupérait en France. Ce témoignage semble avoir beaucoup inquiété l'entourage de Nicolas Sarkozy. L'ancien ministre de l'Intérieur, Brice Hortefeux, conseiller du président français, a téléphoné le 14 septembre à Thierry Gaubert pour le prévenir que sa femme «balance beaucoup» devant le juge chargé de l'enquête, selon le journal Le Monde. Pour le quotidien, cette conversation interceptée par la police prouve que Brice Hortefeux a eu accès aux déclarations sur procès-verbal d'Hélène de Yougoslavie alors même qu'elles n'étaient pas encore versées au dossier d'instruction. Les syndicats de magistrats et plusieurs responsables politiques se sont également insurgés que la présidence française ait pu affirmer, dans un communiqué officiel, que «le nom du chef de l'Etat n'apparaît dans aucun des éléments du dossier». «Un tel dérapage est proprement surréaliste de la part d'une présidence d'un pays démocratique. L'Elysée aurait-il eu accès, comme dans une république bananière, aux pièces d'une procédure judiciaire en cours?», s'est interrogé le député Nicolas Dupont-Aignan (droite souverainiste). L'opposition de gauche déplorait également ce qu'elle considère comme une atteinte à la séparation des pouvoirs. L'ancien Premier ministre, Edouard Balladur, l'un des mentors en politique de Nicolas Sarkozy, pourrait être prochainement entendu par la justice. Il n'a pas réagi aux derniers événements, mais en avril 2010, il avait démenti tout agissement illicite. Dès 1995, les experts du Conseil constitutionnel avaient préconisé, en vain, le rejet de ses comptes de campagne. Un ex-employé de la cellule trésorerie de M.Balladur, Alexandre Galdin, a raconté hier, à la radio RTL qu'il avait à l'époque porté à la banque une vingtaine de valises remplies d'argent liquide.