C'est fait! Passant outre les menaces et pressions, le président palestinien, Mahmoud Abbas, a accompli vendredi, le geste historique, attendu par tout un peuple, celui de faire la demande d'admission d'un Etat de Palestine aux Nations unies. C'était le geste qu'il fallait faire et que les Palestiniens auraient dû faire il y a des années. Lorsqu'il est devenu évident que les négociations engagées avec Israël n'étaient que de la poudre aux yeux, un simple faire-valoir, qui a permis, tout au long de ces années, à l'Etat hébreu de poursuivre son fait accompli dans les territoires palestiniens occupés. Cette demande aura eu, également, le grand mérite de décanter les choses, comme d'identifier ceux qui sont pour la paix et ceux qui font tout pour maintenir le statu quo perpétuant la dangereuse situation de ni guerre, ni paix. Situation qui profite uniquement à Israël et lui permet de gagner du temps dans la reconfiguration, à sa convenance, de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est. Il est patent que l'initiative des Palestiniens a mis dans l'embarras la communauté internationale, singulièrement ses membres les plus agissants, habitués au double langage et selon les circonstances. Ainsi, le président français, Nicolas Sarkozy, s'était prononcé solennellement, il y a quelques mois, en faveur d'un Etat palestinien. Mais au moment de mettre ses actions en conformité avec ses convictions il s'embrouille quelque peu, cherchant à ménager la chèvre et le chou (expression française qui dit bien ce qu'elle veut dire). La communauté internationale admet aujourd'hui le déni de droit dont sont victimes les Palestiniens, comme l'illégalité des colonies juives en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, alors que l'ONU ne reconnaît pas l'annexion de la Ville Sainte par Israël. Or, il y en a qui n'ont pas compris le message des Palestiniens appelant à un retour sans autre forme de procès, aux négociations directes, mettant quasiment au rang de parenthèse ce qui a constitué pour le peuple palestinien une question de vie ou de mort (la demande d'admission de la Palestine à l'ONU). Ainsi les Américains qui déclaraient, juste après le discours du président Abbas: «Nous devons retourner à l'essentiel, qui est de trouver le moyen de faire repartir les négociations.» Aussi simple que ça! Les Etats-Unis n'ont même pas la mesure, au minimum, d'exiger d'Israël l'arrêt immédiat des constructions dans les colonies pour crédibiliser leur propos. Pourtant, ce moyen de revenir aux négociations est connu et les Palestiniens le réclament à cor et à cri: l'arrêt de la colonisation. Pourquoi se triturer ainsi les méninges alors que ce moyen existe et les Américains qui ont, dans leur temps, déploré la poursuite des constructions, le savent très bien. Comment ose-t-on demander aux Palestiniens de négocier quand parallèlement Israël poursuit l'expansion des colonies en Cisjordanie et à Jérusalem-Est? Comment ose-t-on demander aux Palestiniens de négocier quand derrière chaque Palestinien il y a un soldat israélien, que les «check-point» de l'armée d'occupation, qui ceinturent les villes palestiniennes, se sont multipliés, que le mur de l'apartheid coupe les villes et villages de Cisjordanie? Exiger, par ailleurs, des Palestiniens la «reconnaissance» d'un «Etat-nation juif» c'est aussi faire peu cas du quart de la population israélienne (les Arabes chrétiens et musulmans) réduite ainsi à l'état de citoyens de seconde zone. Exigence, paradoxalement, cautionnée par Washington. Aurons-nous l'outrecuidance de faire remarquer au monde dit «libre» que seul un «peuple libre» peut négocier? C'est pourtant l'abécédaire pour toute procédure de paix. La Palestine à l'ONU, c'est permettre l'amorce de vraies négociations, d'égal à égal, d'Etat à Etat. C'est cela le message de paix palestinien. L'a-t-on compris?