La rencontre Abbas-Olmert, la prochaine réunion du Quartette, la nomination d'un médiateur, tout cela reste de la poudre aux yeux en l'absence de volonté politique claire. Depuis le 15 juin dernier et la chute de Ghaza passée aux mains du mouvement islamiste Hamas, le dossier palestinien est devenu un contentieux «deux en un» dans la mesure où la crise interpalestinienne interfère dans le conflit israélo-palestinien en substituant des préoccupations secondaires de prérogatives de pouvoir au principal qui est, et reste, l'édification de l'Etat palestinien indépendant. Ainsi, l'impression qui prédomine est que les principaux acteurs impliqués dans le contentieux palestinien, notamment Israël et les Etats-Unis, s'emploient à conforter la situation née des affrontements entre le Hamas -de Khaled Mechaâl- et le Fatah -du président palestinien- par le soutien ostensible à Mahmoud Abbas par des gestes que celui-ci avait vainement attendus au moment où il en avait le plus besoin pour renforcer son pouvoir. En libérant 250 prisonniers palestiniens, émargeant, en majorité, au Fatah, en autorisant Nawef Hawatmeh, président du Fdlp (Front démocratique de libération de la Palestine) à rentrer en Cisjordanie -pour participer à la réunion du Ccolp, ce qu'Israël lui a toujours refusé depuis l'instauration de l'Autorité palestinienne, en 1995- en programmant, hier à Jérusalem-Ouest, une rencontre entre le Premier ministre israélien, Ehud Olmert, et le président Abbas, Israël travaille plus à consommer la rupture entre les frères palestiniens, confortant par là sa propre mainmise sur la Cisjordanie tout en transformant la bande de Ghaza en une immense prison à ciel ouvert par le blocus imposé à ce territoire depuis sa prise en main par le Hamas. Israël, qui a tout fait ces derniers mois pour saper l'autorité du président Mahmoud Abbas, a largement contribué au clash intervenu entre le Fatah et le Hamas, notamment en créant maintes difficultés au gouvernement palestinien (dans ses deux versions) l'empêchant de fonctionner normalement par la disposition des moyens de sa politique. Renforcer le pouvoir de l'Autorité palestinienne qui lui permette de mieux contrôler les territoires, a-t-il été l'objectif d'Israël alors que l'Etat hébreu a concentré tous ses efforts vers le seul but de paralyser le fonctionnement du gouvernement palestinien, d'une part, et d'entretenir et même d'aggraver les divergences entre les parties palestiniennes d'autre part. L'existence de deux gouvernements palestiniens est l'une des conséquences directes des attaques israéliennes contre la stabilité des institutions palestiniennes. Par ailleurs, les réunions entre le Premier ministre israélien et le président palestinien, réunions qui se sont toujours soldées par des échecs, participent de cette volonté d'Israël de brouiller les cartes, Israël refusant l'ouverture de vraies négociations avec les Palestiniens par la mise sur table de tous les dossiers susceptibles de faire avancer le processus de paix entre les deux parties. Il serait, dès lors, déraisonnable d'attendre du concret de la rencontre d'hier entre MM.Abbas et Olmert. Ce dernier ne dérogeant pas à une tradition israélienne, axe son intérêt sur le seul aspect sécuritaire et de lutte contre «le terrorisme» selon lui, alors que les Palestiniens, à défaut d'exiger, ne cessent de demander à ce que les négociations soient centrées sur le statut définitif des territoires palestiniens (Ghaza, Cisjordanie et Jérusalem-Est). En vain jusqu'ici. Ces négociations, rappelle-t-on, sont interrompues depuis 2000 après l'avènement de la deuxième Intifadha. Israël ne comprend, ni ne veut admettre que la paix et la sécurité pour l'Etat hébreu, ne peuvent être assurées que par un Etat palestinien indépendant disposant de toutes les prérogatives de souveraineté. Aussi, il est vain d'attendre qu'une Autorité autonome sans pouvoirs réussisse là où la puissance d'Israël a échoué. C'est dans ce contexte de flou marqué par l'équivoque et l'amalgame qu'est annoncée la réunion, jeudi, à Lisbonne du Quartette (Etats-Unis, Union européenne, Russie et Nations unies) flanqué, désormais, d'un médiateur dans la personne de l'ancien Premier ministre britannique, Tony Blair. Mais que peut-il être attendu d'un Quartette -devenu ces derniers temps le porte-voix d'Israël par ses exigences à tout le moins surréalistes- qui réclame la reconnaissance d'Israël par le Hamas, alors qu'outre le fait qu'Israël et les Etats-Unis, considèrent Hamas comme étant un mouvement «terroriste», il n'existe pas de précédent dans le monde où un mouvement de résistance reconnaisse d'abord l'Etat oppresseur. Le Quartette, qui a nommé Tony Blair pour une mission de médiation, lui a, dans le même temps, fourni une «feuille de route» selon laquelle M.Blair aurait quatre objectifs à atteindre, consistant dans la mobilisation de l'aide internationale pour les Palestiniens, aider ces derniers à identifier les institutions nécessaires à un Etat indépendant et à leur assurer le soutien international adéquat, dégager enfin un programme de développement de l'économie palestinienne et «se mettre en rapport avec d'autres pays selon les besoins en accord avec les principes du Quartette». Ce dernier point fait allusion aux «exigences» du Quartette lorsque le Hamas dirigeait le gouvernement palestinien pour lever l'embargo imposé à l'Autorité palestinienne. Mais, d'ores et déjà, Washington semble avoir tracé une ligne rouge à Tony Blair dans ses tractions avec les Palestiniens, avec «interdiction» de prendre langue avec le Hamas. Ce qui est le meilleur moyen de vouer la mission de M.Blair, avant même qu'elle commence, à un échec assuré tant il est impossible, aujourd'hui, de prétendre traiter le contentieux palestinien en occultant l'une des parties de ce processus. Et puis ce sont bien les tergiversations d'Israël, soutenu par les Etats-Unis, qui ont rendu le contentieux israélo-palestinien inextricable avec l'apparition dommageable (pour les Palestiniens) d'un conflit dans le conflit celui opposant les deux mouvements de résistance palestiniens, le Fatah et le Hamas, mettant ainsi en arrière-plan, le noeud gordien du dossier proche-oriental, l'occupation par Israël des territoires palestiniens. Cela aussi était, en réalité, voulu quand les parties palestiniennes sont entrées dans le jeu du pouvoir. Cette dérive provoquée, associée à la mauvaise volonté d'Israël, a largement contribué aux continuelles remises, à des jours meilleurs, des vraies négociations pour l'érection d'un Etat palestinien indépendant.