Le porte-parole du régime libyen déchu a démenti samedi soir sur la chaîne Arraï sa capture par les anti-Kadhafi, affirmant s'être notamment rendu sur le front de Syrte, un des derniers bastions loyalistes, où le sort des civils inquiète les nouvelles autorités. « Cette information est un mensonge (...) car j'étais près du front de Syrte (...) nous avons été attaqués (...) par des rebelles très bien armés. Nous avons eu des morts », a-t-il affirmé, faisant référence aux combats en cours depuis deux semaines à Syrte, région d'origine de Mouammar Kadhafi, à 360 km à l'est de Tripoli. « Nous avons pu par la suite nous rendre sur d'autres fronts », a-t-il ajouté. Les nouvelles autorités libyennes, s'efforcent par ailleurs, également en vain depuis des semaines, de prendre Bani Walid, autre fief pro-Kadhafi à 170 km au sud-est de la capitale, malgré près d'un mois de combats qui ont fait 40 morts dans leurs rangs. « Les nouvelles de Bani Walid sont excellentes, Bani Walid (signifie) la mort (pour les forces du CNT), les hôpitaux sont pleins » de combattants anti-Kadhafi, a déclaré M. Ibrahim. Quant à la situation à Syrte, il a fait état de « bombardements violents à l'aide de chars et de roquettes Grad (..) ayant détruit des quartiers entiers et des maisons (...) forçant des centaines d'habitants à quitter la ville ». Un exode qui inquiète le Conseil national de transition (CNT), dont le chef, Moustapha Abdeljalil, a annoncé samedi avoir donné deux jours de répit à compter de vendredi aux 70.000 habitants de Syrte pour quitter la ville. Des échanges de tirs nourris se poursuivaient toutefois, notamment sur le front Est. Selon un décompte du Croissant-Rouge à Benghazi (est) datant de mercredi, plus de 25.000 personnes ont fui Bani Walid et plus de 18.000 autres se sont échappées de Syrte. A la sortie ouest de Syrte, en direction de Misrata, le flot ne tarissait pas. Sur la route engorgée de convois de civils, une roquette a touché un véhicule, tuant deux enfants. Ils « ont été réduits en lambeaux », a déclaré le docteur Ahmed Abou Oud. « L'Otan a frappé un grand immeuble il y a deux jours, avec une douzaine de bombes. Il y avait 600 appartements et tout a été rasé », a raconté Ashiq Hussein, un électricien pakistanais qui fuyait avec 11 proches, dont six enfants. « Ma maison a été touchée hier alors j'ai décidé de partir tôt ce matin avec ma famille. Je ne sais pas si elle a été touchée par l'Otan ou les pro-CNT », a déclaré Mohammed, un autre habitant, ajoutant qu'il n'y avait plus « de nourriture, de médicaments, d'eau ou d'électricité ». Selon Hassan Duhan, commandant du conseil militaire à Misrata, les combattants pro-Kadhafi à Syrte ont dit « à la radio qu'ils n'avaient plus d'électricité et qu'ils étaient à court de nourriture et de munitions ». « Les hommes de Kadhafi ne mangent que du pain. Ils manquent de nourriture et de munitions », a confirmé le major Mohammed Usba Hanish, un officier pro-Kadhafi qui s'est rendu aux combattants pro-CNT. Selon un pro-CNT revenant du front, une centaine de véhicules, dont certains lourdement armés, sont entrés samedi dans la ville par le sud pour assiéger le Palais des congrès de Ouagadougou, immense bâtisse où le colonel Kadhafi avait l'habitude d'accueillir des sommets panafricains. Et à Bani Walid, les pro-CNT, dont beaucoup sont originaires de la ville, ont déclaré avoir renoncé à combattre samedi après avoir constaté la présence de boucliers humains. « Quand nous avons vu les familles, nous avons fait machine arrière (...) Nous sommes positionnés à l'entrée de Bani Walid, nous craignons qu'il y ait des pertes parmi ces familles si nous avançons », a affirmé un commandant du CNT, Mohammed al-Etery, non loin de la ligne de front. Par ailleurs, alors que des pays occidentaux se sont inquiétés de la dissémination des armes libyennes et de leur utilisation par des groupes armés, le général Mohamed Adia, en charge de l'armement au sein du CNT a indiqué que près de 5.000 missiles anti-aériens SAM-7 issus des arsenaux du « Guide » déchu étaient toujours manquants. « Malheureusement, il est possible que certains de ces missiles soient tombés entre de mauvaises mains (...) à l'étranger », a-t-il reconnu. Parallèlement, l'organisation de défense des droits de l'Homme Human Rights Watch (HRW) a appelé les nouvelles autorités libyennes à mettre fin aux arrestations arbitraires et aux mauvais traitements infligés aux prisonniers. Selon HRW, qui a visité 20 centres pénitentiaires à Tripoli et interrogé 53 prisonniers, « des détenus font état de mauvais traitements dans six prisons, indiquant notamment avoir été passés à tabac et avoir reçu des électrochocs ». Des milliers de personnes ont été arrêtées depuis la chute de Tripoli fin août, en particulier des Libyens à la peau noire ou des Africains sub-sahariens accusés d'avoir combattu aux côtés des forces de l'ancien « Guide », affirme l'organisation. Aucun de ceux rencontrés par l'organisation n'avait encore été présenté à un juge.