La sexagénaire française handicapée enlevée près de Lamu (est du Kenya) était dimanche aux mains de ses ravisseurs en Somalie, et les recherches de la police kenyane butaient à la frontière avec ce pays en guerre civile depuis vingt ans. Marie Dedieu, 66 ans, qui vivait depuis des années sur l'île de Manda, en face de celle de Lamu, « est déjà en Somalie. Je peux le confirmer », a déclaré le chef de l'administration de Lamu, Stephen Ikua. Cette Française contrainte de se déplacer en fauteuil roulant depuis un accident il y a plusieurs années a été enlevée à son domicile dans la nuit de vendredi à samedi par un groupe de dix hommes armés apparemment très bien renseignés. Marie Dedieu et son compagnon kenyan John Lepapa, étaient en effet revenus mercredi de France, où ils se rendaient régulièrement, notamment pour des raisons familiales, indique-t-on de source diplomatique française. Après l'enlèvement, « les forces de sécurité (...) ont poursuivi les ravisseurs qui se dirigeaient vers Ras Kamboni », dans le sud de la Somalie, à bord d'un bateau rapide, selon le compte rendu du gouvernement kenyan. « Dans la fusillade qui a suivi entre les ravisseurs et la marine kenyane, plusieurs ravisseurs ont été blessés mais ont réussi à entrer dans Ras Kamboni », toujours selon le gouvernement. Ras Kamboni, petit village côtier proche de la frontière avec le Kenya, est un ancien bastion des shebab, qui n'est plus aujourd'hui a priori sous le contrôle d'aucun groupe bien défini. Le responsable administratif de Lamu, M. Ikua, a indiqué que l'enlèvement « avait dû être (perpétré par) les shebab », reprenant les soupçons déjà émis la veille par la police kenyane. Mais les ravisseurs, qui parlaient semble-t-il somali, pourraient aussi bien avoir été des bandits ou des pirates, quitte à ce que ceux-ci monnayent ensuite leur otage auprès des shebab, indique une autre source proche de l'enquête. Il s'agit en tout cas du deuxième enlèvement d'une ressortissante étrangère en moins d'un mois près de Lamu - un archipel distant d'une cinquantaine de km de la frontière somalienne -, après celui d'une touriste quinquagénaire britannique, Judith Tebbutt. Cette dernière avait été kidnappée dans un village de vacances de luxe, le Kiwayu safari village, à proximité plus immédiate de la Somalie que l'île de Manda. Judith Tebbutt -- dont le mari avait été tué dans l'attaque -- a depuis été emmenée en Somalie par des pirates, et aucune revendication ou demande publique de rançon n'a été formulée. Dans le cas de Marie Dedieu, la police kenyane était contrainte dimanche d'avouer à ce stade son impuissance. « Nous n'avons pas réussi à la ramener, mais nous avons sécurisé la frontière (avec la Somalie) de manière adéquate pour être sûr que cela ne se reproduise pas », a déclaré le chef de la police de la province de la Côte, Aggrey Adoli. « Nous avons suffisamment de forces qui poursuivent les agresseurs à la frontière, mais (ces forces) n'ont pas franchi la frontière avec la Somalie », a ajouté M. Adoli. Le ministère français des Affaires étrangères, qui a confirmé l'enlèvement, a exprimé « des craintes sur (l') état de santé (de Marie Dedieu) et aussi face à la possibilité qu'elle se trouve en territoire somalien », précisant que la sexagénaire suivait un traitement médical. Les deux enlèvement portent en tout cas un terrible coup à Lamu, un archipel aux plages de sable blanc qui tire la totalité de ses revenus du tourisme. La France a « formellement déconseillé » à ses ressortissants de s'y rendre. « Nous voudrions que notre gouvernement renforce la sécurité entre la Somalie et le Kenya pour être sûrs qu'il n'y ait pas de bateau qui passe », a déclaré Abdulla Sultan, membre de l'association des guides de Shela, la plage principale de Lamu. « Ils devraient savoir, au gouvernement, que si les touristes ne viennent plus, c'est comme la mort pour les gens ici (...). Le tourisme représente 85 ou 90% (des revenus) à Lamu, les gens vivent ici grâce aux touristes », a poursuivi M. Sultan