Quatre prévenus de trafic de drogue, condamnés lourdement au tribunal comparaissent devant le trio Mériem Bellih, Kouadri et Djbarni et chacun d'eux répond avec beaucoup de réserve, de malice, de dribbles au président qui a l'art de la précision. A un moment donné, l'un d'eux, le client de Maître Mohammed Boudriat, parle de rencontres dans un douar, en haussant les épaules. «On se voyait au douar!», mâchonne-t-il. Le juge est curieux de connaître le nom de ce douar. «Sétif!» répond le longiligne prévenu qui est stoppé net par le magistrat qui balance: «Non, Sétif, n'est pas un douar mais le chef-lieu de wilaya!» Le prévenu, comme pour se faire pardonner, rectifie: Aïn Oulamane!» Et là aussi le juge insiste: «Non, Aïn Oulmane n'est pas un douar mais un chef-lieu de daïra!» Ahmed Mihoubi, le procureur général grimace avant de retenir un fou-rire légitime car il était loin, lui aussi, d'imaginer Sétif et Aïn Oulmane comme deux douars plantés dans la nature. D'ailleurs, l'avocat du Sétifien plaidera plus tard l'innocence de son jeune client pris par les gendarmes pour conduite en état d'ivresse avant que les faits ne prennent une autre dimension catastrophique: trafic de drogue. Il rappellera que l'article 17 de la loi n° 0418 du 25 décembre 2004 évoque onze verbes pour ce qui est du trafic de drogue et le juge de demander aimablement à Maître Boudriat d'aller droit au but en évitant de citer les onze verbes enfonçant: «Oui, M.le président, mon client n'a usé d'aucun de ces onze verbes mais un autre qui n'a rien à voir avec le trafic de drogue.» Même Maître Gaci ira dans le même sens pour ce qui est des renseignements donnés par le dealer venu du Khroub et se rendant vers l'Ouest où l'attend le destinataire, un dealer, lui aussi, car dans ce dossier, le fil qui a conduit les enquêteurs avait sa «tête», le transporteur de came depuis El Khroub (Constantine). En effet, pour les enquêteurs et le magistrat instructeur les faits établis montraient sans crainte d'être contredits que le gus d'El Khroub était engagé jusqu'au cou dans le trafic de drogue. Or, pour son avocat, la probabilité de deviner un fait extraordinaire en l'occurrence, croire dur comme fer en se posant la dure question: «Si réellement le transporteur de drogue savait, était au parfum, pourquoi avait-il pris le gros et dangereux risque de s'arrêter en chemin et prendre des pots de bière jusqu'à s'enivrer?» Oui, cette probabilité allait faire en sorte de pousser Kouadri, Bellih et Djebarni à emprunter cette «bretelle» en vue de baisser l'assaisonnement de la peine lors de la courte mise en examen du dossier et aller ainsi dans le «pré» de cette extraordinaire probabilité que la loi n'a certes pas prévue et que cela pouvait faire jurisprudence». «Oui, franchement, M.le président, j'ai tourné, retourné et je n'ai pas pu m'empêcher de me dire au plus profond de mes tripes que mon client ignorait le contenu de la marchandise qui lui avait été confiée au Khroub», avait clamé avec beaucoup d'ardeur le jeune avocat Maîre Zayed Bounouh félicité par Maître Madani et Maître Boudriat le seul qui a eu deux verdicts favorables: acquittement de ses deux jeunes clients alors que les autres ont écopé de dix ans d'emprisonnement ferme. Houchet avait les larmes aux yeux et Maître Amine Benkraouda, lui, était reparti avec la satisfaction du boulot accompli malgré...Gendarmia et Bouinoui, qui étaient eux ravis de leur acquittement. Ouf! Maître Zayed Bounouh, Maître Madani pour Benzama alors que Houchet songeait déjà au verdict, et Maître Amine Benkraouda paraissaient plutôt ligotés avant de plaider aux côtés de ce seigneur des juridictions et professeur en droit Maître Med Boudriat jusqu'au début des plaidoiries dans une affaire de trafic de drogue revenant de la Cour suprême. Devant Kouadri, Bellih et Djebarni, le trio de magistrats de la chambre correctionnelle de la cour de Boumerdès, les quatre plaideurs ont fait, chacun à sa manière ce qu'ils pouvaient pour sauver les meubles. Les peines prononcées il y a cinq ans de cela étaient lourdes. D'ailleurs, le fait que la Cour suprême ait «cassé», le dossier pour un truc purement «technique» démontre qu'il y a cinq ans le trio de l'époque avait joué son rôle, les faits étant têtus. Et Maître Boudriat, en aîné du moment, a été égal à lui même en dominant de la tête et des épaules les débats car en prof de droit, il a su mettre le doigt là où il fallait sur la plaie. La plaie qui a vu un dealer pris avec un sac d'héroïne depuis le Khroub en direction d'El Bahia, loin, très loin à l'Ouest. Les quatre prévenus ont beaucoup évoqué Sétif. C'est dire que le trajet a été l'occasion de «rencontres» bien arrangées. Les appels sur les portables ont confondu certains d'entre eux. Maître Bounouh, Maître Madani, Maître Benkraoua en jeunes loups aux dents longues ont même usé de paraboles et de suppositions défiant l'implacable logique du droit et souvent les ratés des juges durant l'instruction. Hélas! pour certains d'entre eux les faits leur ont joué de mauvais tours et il y avait tant d'évidence que le verdict d'il y a cinq ans a été reconduit après une longue mise en examen qui a fait que le trio qui devait revenir à quatorze heures n'était dans la salle qu'à quinze heures. Chapeau, les gars!