Difficile de comprendre tout le charivari suscité par le projet de texte soumis au Parlement et prévoyant de réserver un quota pour les femmes dans le personnel politique. Il était question de 30%, d'autres veulent rabaisser ce taux à 20%. Le problème est-il dans ces petits comptes? En réalité, il est bien plus profond et de tout autre nature. La scène politique algérienne a toujours été la chasse gardée de l'homme. Tout comme le fonctionnement de la société dans son ensemble d'ailleurs. Le régime patriarcal ne veut pas céder du terrain à sa moitié. C'est sur cet alibi que s'appuient les opposants à la présence de la femme en politique. Ils disent que c'est contraire «à nos us et coutumes». Ils n'ont pas tort puisque dès qu'elle devient mère, et très souvent, la femme inculque elle-même à sa fille la supériorité de son frère. C'est-à-dire que même la femme participe à son propre maintien sous la tutelle masculine. Ne nous égarons cependant pas, là il s'agit de sociologie. Revenons à la politique. Difficile, en effet, de comprendre l'opposition des hommes politiques à l'ouverture que les réformes prévoient pour les femmes. S'ils sont sûrs, comme ils l'affirment, que notre société est ainsi faite, pourquoi font-ils barrage à une disposition, somme toute simplement légale? Pourquoi ne laissent-ils pas l'expression de cette société, c'est-à-dire les urnes, se charger de la disqualification féminine? Il est vrai qu'aucun des deux cas de figure possibles ne les arrangent? Si les femmes sont consacrées par les électeurs ce sera autant d'hommes politiques en moins. Ces derniers refusent, précisément, dans cette hypothèse, de signer leur arrêt de carrière. Si le scrutin consacre l'échec des femmes, le parti, sous les couleurs duquel elles se présentent, y perdra, lui aussi, des «plumes». En termes de sièges perdus. Dit autrement, la femme menace une «coalition». Celle de la condition masculine et de la formation politique. Voilà pourquoi le débat parlementaire sur cette question est des plus houleux. Mais quelle que soit l'issue de ce débat, la participation de la femme dans la vie politique du pays est inéluctable. D'abord parce qu'il est impossible que la moitié de la population puisse être maintenue en marge éternellement. Ensuite parce que cette même moitié réussit admirablement son cursus scolaire avec une tendance à supplanter la gent masculine dans les études supérieures. La poussée «naturelle» de la femme, vers le champ politique, n'est qu'une question de temps. Un temps que les hommes pourront, peut-être, freiner mais en aucun cas arrêter. Cela fait partie des avancées irrésistibles de l'histoire. Comme ce fut le cas, toujours pour la femme, au lendemain de l'Indépendance et la formidable poussée qui lui a permis d'entrer, sans attendre, dans la vie active. Dans l'enseignement, dans la santé où elle est présente en force. Dans la justice aussi où «les us et coutumes» ont fini par admettre qu'elle juge l'homme dans ses actes. Dans la police et la gendarmerie où elle le verbalise. Ainsi d'étapes en étapes, le développement et le progrès aidant, la femme trouvera tôt ou tard sa place pleine et entière dans notre société. Le brouhaha auquel nous assistons actuellement cache aussi une crainte que dissimulent mal les conservateurs. Si les réformes politiques aboutissent, et elles aboutiront, avec une grande représentation féminine au Parlement, on devine aisément que la première «victime» sera le Code de la famille dans sa formulation actuelle. La suite va de soi. C'est ce qui, en définitive, hante au plus haut point les opposants du quota. C'est ce qu'ils cachent, en vérité, dans tout le charivari créé.