Le peu de chansons qu'il a à son actif (une dizaine environ) ont contribué au rayonnement de la chanson de l'exil. Rares sont ceux qui connaissent le grand artiste d'expression kabyle Cheikh Arab Bouizegarène. Pourtant, il s'agit d'une sommité. Comme la majorité des vrais artistes, Cheikh Arab Bouizegarène a vécu loin des feux de la rampe et il est mort dans l'indifférence. Quelques-unes de ses chansons ont pu être connues du grand public grâce à Matoub Lounès qui était un un grand fan du Cheikh. Matoub Lounès a repris plusieurs refrains et des préludes de Cheikh Arab Bouizegarène à l'instar de l'air de l'istikhbar de «Arwah arwah» ou du refrain «Mimezran» et tant d'autres morceaux musicaux qui sont en réalité des chefs-d'oeuvre. Un hommage, le premier dans l'histoire, sera rendu à Tizi Ouzou à Cheikh Arab Bouizegarène les 26 et 27 octobre prochains à l'initiative du mélomane Farid Daf. Ce sera l'occasion de revenir sur la vie de cette étoile de la chanson kabyle. Cheikh Arab Bouizegarène est né le 27 mai 1917 à Djemaâ Saharidj, relevant de la commune de Mekla. Issu d'une famille de modestes paysans et militants de la cause nationale (sa soeur Dahbia est une figure emblématique de la Révolution dans toute la région), il a beaucoup souffert, dès sa tendre enfance, de la misère qui s'était érigée dans ces régions montagneuses rudes. Son contact avec l'art s'est fait, depuis son jeune âge. Il a fait de la musique son actiovité de prédilection. À Alger, où il s' est installé pour travailler, il eut le privilège de rencontrer les maîtres de la chanson chaâbi, tel El-Hadj M'hamed El-Anka avec qui il lia une amitié profonde. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, Cheikh Arab émigre en France. Cette épreuve lui fit découvrir la douleur des siens, venus en masse chercher la subsistance aux leurs laissés dans la rive Sud de la Méditerranée. Il y goûta, comme eux, l'amertume de l'exil avec son lot de déracinements, de dénis et de violences. Cette séparation forcée d'avec la terre natale et l'éloignement des êtres chers le marqueront. La consécration artistique, il ne la connaîtra que vers les années cinquante avec son premier enregistrement. Comme tout artiste, Cheikh Arab a puisé dans le savoir des autres tout en l'adaptant à sa vision et suivant les conseils que lui prodiguaient et les conseils tirés de ses échanges avec Slimane Azem et Fatma Zohra. A mimezran, Anfas anfas, Akka iduss, Ijrah wul, A yemma fkiyi rrekba, A yemãaren n cerfa, Ceyaâtas ad yass, A yuliw ifnak sbar, sont entre autres les principales oeuvres de Cheikh Arab pour qui chanter n'est que l'expression des tourments et de la sensibilités de l'âme. Pour lui, chanter c'est s'extérioriser. Bien que son oeuvre ne soit pas politique, le peu de chansons qu'il a à son actif (une dizaine environ) ont contribué au rayonnement de la chanson de l'exil. Autrement dit, il a été un véritable et authentique artiste. Cheikh Arab Bouizegarène est décédé le 2 avril 1988. Il est enterré au cimetière Massy à Paris. Dans son album de 1987, Matoub Lounès lui a rendu un vibrant hommage en reprenant l'une de ses plus belles mélodies.