L'affiche du film Ici on noie les Algériens Un documentaire français dénonçant les massacres du 17 Octobre est projeté à Alger. A peine sorti en France, voilà que le documentaire de Yasmina Adi «Ici on noie les Algériens» débarque à Alger à l'occasion d'une avant-première à la salle El Mouggar. Une projection qui a été marquée par la présence inédite de l'ancien ministre de l'Intérieur et actuel vice-Premier ministre Yazid Zerhouni. Mais c'est en tant qu'ancien responsable du Malg que Zerhouni a tenu à assister à cette projection et apporter son soutien à un travail de mémoire pour les victimes du 17 Octobre 1961. Ce dernier a salué la participation française à la production de cette oeuvre. Il faut dire aussi que ce documentaire a été réalisé entièrement par des fonds français avec la participation fort précieuse de l'Institut national des archives françaises (INA) et l'organisme public du Centre national du cinéma et de l'image animée et le soutien du fonds Images de la Diversité, de l'Acse et de la ville de Gennevilliers. La projection a été organisée en présence même du maire communiste de Saint Denis et de certains témoins français et algériens du documentaire. A cela s'ajoute la présence de la ministre de la Culture Khalida Toumi, qui a tenu à soutenir ce projet, même si la réalisatrice n'a jamais sollicité l'aide de l'Algérie. Le président du Fdatic et conseiller cinéma de la ministre de la Culture, Ahmed Bedjaoui, a annoncé que l'Algérie soutient ce documentaire à travers l'Onci et il sera distribué dans 7 wilayas à partir de janvier 2012. La campagne de célébration du 50e anniversaire de l'Indépendance a vraisemblablement commencé par la projection en salles de ce documentaire fort émouvant de Yasmina Adi, «Ici on noie les Algériens» et la présence d'un haut responsable comme Zerhouni aux côtés de la première responsable de la Culture est un signe fort de l'ébauche d'une longue campagne cinématographique et audiovisuelle pour la mémoire. Car «Ici on noie les Algériens» est un film cinéma par sa durée: 90 mn et par son format: 35 mm. Il n'est pas question que le film se limite à une diffusion sur le petit écran. Et la réalisatrice a tenu à montrer le film en France dans les salles pour dénoncer un massacre médiatiquement noyé. Le film nous renvoie à l'appel de la Fédération du FLN en France lequel a rassemblé des milliers d'Algériens venus de Paris et de toute la région parisienne, le 17 octobre 1961, contre le couvre-feu qui leur était imposé à 20h. Cette manifestation pacifique a été très sévèrement réprimée par les forces de l'ordre. 50 ans après, jour pour jour, la cinéaste met en lumière une vérité encore taboue en France et révèle des faits historiques restés inconnus en Algérie. Pour ce faire, elle s'est contentée seulement des témoignages de personnes qui ont vécu cette période douloureuse et gardée secrète par les médias. Des témoignages émouvants qui donnent force à ce documentaire basé sur des images fixes. La réalisatrice a bénéficié pour cela des archives très importantes de l'INA comme les enregistrements radio, les interventions du ministre de l'Intérieur Debré qui a donné l'ordre à Papon de réprimer les manifestants. Des photos inédites des manifestants parqués dans le Palais des sports ou encore les images des femmes manifestant avec leurs enfants sont autant de preuves visuelles qui dénoncent cette répression jamais reconnue officiellement. Le film retrace également les différentes étapes de ces événements, et révèle la stratégie et les méthodes mises en place au plus haut niveau de l'Etat français à travers des enregistrements inédits des RG (Renseignement généraux): manipulation de l'opinion publique, récusation systématique de toutes les accusations, verrouillage de l'information afin d'empêcher les enquêtes... Sur le plan technique, le film offre des plans originaux comme les images de cette femme qui évoque la disparition de son mari ou encore ces images en noir et blanc avec une musique électrique qui donne une ambiance glaciale de la situation de l'époque. Sur le plan politique, la réalisatrice n'a pas voulu comme dans «L'autre 8 mai 45» se positionner, en évitant de trop parler de la Fédération de France du FLN ou encore en voulant dédouaner les employés des hôpitaux et des chauffeurs de la Ratp, qui ont servi, pour le ministère de l'Intérieur, dans cette journée du 17 Octobre. Comme elle n'a pas voulu mettre l'accent sur Papon, qui est présenté par les médias français comme le principal responsable de la tuerie alors qu'il avait répondu aux ordres du ministre de l'Intérieur de l'époque Debré, et au président De Gaulle. La réalisatrice a voulu faire ce film pour que la vérité remplace les non-dits et pour souligner la dimension humaine de cet épisode trop longtemps tu. Pour faire émerger les paroles de certains acteurs de l'époque et pour mettre le spectateur en immersion, en utilisant tout au long du film les deux médias les plus consultés à l'époque par les Français, la radio et la presse écrite. Quoi qu'il en soit Yasmina Adi est devenue, malgré elle, la spécialiste des génocides dissimulés par la France. Car ce film est là, pour mettre en lumière un autre crime contre l'humanité commis par la France après celui du 8 Mai 1945.