Que peut attendre cette institution d'un régime aussi peu porté sur la démocratisation du pays et dont la tendance s'est totalement corrompue depuis quatre ans ? Il y a une dizaine de jours, l'ANP organisait une consistante fuite pour annoncer à l'opinion publique que son état-major général était sur le point de lancer des enquêtes pour tirer au clair les dessous des agressions perpétrées, ces deniers mois, contre les permanences du parti du FLN. Ce type d'enquêtes s'opérant habituellement sous le sceau du secret, les observateurs se sont mis à cogiter âprement pour essayer de savoir ce que cachait l'annonce des services du général de corps d'armée, Mohamed Lamari. La question était de savoir pourquoi une telle annonce et pourquoi l'avoir rendue publique à la veille de la mascarade des Pins Maritimes? Anticipant un éventuel pourrissement d'une situation déjà profondément affectée par les scandales rapportés par la presse au quotidien, dans la «fuite» organisée, les observateurs avaient cru déceler une manière pour l'ANP de calmer le jeu des politiques, tout en continuant d'observer la neutralité qu'elle s'était engagée à respecter. Le Président de la République que l'incartade des militaires a dû souverainement irriter ne pouvait logiquement passer outre à l'objet de son ire, sans en toucher un mot à son chef d'état-major général. Les deux hommes se sont-ils rencontrés comme certaines rumeurs l'avaient laissé entendre la semaine dernière? Peut-être bien que oui, peut-être bien que non ! Si une chose est cependant sûre, c'est bien celle qui consiste à dire qu'il n'y a pas de fumée sans feu. Pour autant, l'ANP se considère-t-elle quitte de son devoir envers la société algérienne, prise globalement c'est-à-dire envers une société prise avec sa population, ses institutions et son projet de société qui est l'Etat de droit? L'ANP considère-t-elle que le fonctionnement de l'Etat algérien n'a rien à se reprocher de nos jours? Que pense-t-elle de la suspension de six journaux, parmi les plus importants de la presse nationale, sous prétexte qu'ils n'auraient pas réglé leurs comptes avec les sociétés d'impression? Chacun sait et le général de corps d'armée, Mohamed Lamari, ne l'ignore nullement que la question comptable qui a été avancée pour rompre le cou à des journaux dont le seul tort a été de dénoncer la gabegie, les violations du droit et l'abus de pouvoir, n'était qu'un prétexte éculé derrière lequel s'est tout de suite profilé une forme de dictature qui fait froid dans le dos. Que pense le général Lamari de l'avenir des Algériens, lui qui n'a jamais cessé de recenser les dérives depuis 1999 et dont les violations de la Constitution par le Président de la République sont légion? Que peut attendre l'ANP d'un régime aussi peu porté sur la démocratisation du pays et dont la tendance s'est totalement corrompue depuis quatre ans et notamment après qu'il s'est démarqué des modèles démocratiques européens, pour viser la dernière mouture du modèle syrien dont la mise en oeuvre avait fait frémir de honte la plupart des pays civilisés. Aujourd'hui, l'Algérie vit dans un régime, dont l'objectif vise à faire élire pour un deuxième, mandat, le Président qui est encore aujourd'hui en charge des affaires du pays. Pour réussir son coup, ses partisans seraient prêts à déposséder les militants du FLN de leur parti politique. Après un tel hold-up, où peut-on situer l'ANP, si cette problématique devait s'avérer juste? Dans sa neutralité passive ou active? Les réponses à ces deux questions sont simples, de même que décisives pour l'avenir immédiat de l'Algérie. En effet, si l'ANP devait se contenter d'observer une neutralité passive, ce qui s'ensuivra, ressemblera inévitablement au chaos. En revanche, mais à condition qu'elle soit consciente de son statut de puissance arbitrale conséquente, elle pourrait veiller à ce que la compétition politique ne soit ni entachée de parti pris ni favorable à une tendance particulière au sein de la classe politique. Tout en conservant sa neutralité et sans même aller jusqu'à imiter la moindre aspérité du modèle légué à la Turquie par Kemal Attaturk, l'ANP pourrait, dès à présent, s'engager d'ores et déjà à protéger le scrutin de 2004, des incursions malveillantes, sans s'aliéner le moins du monde la confiance mise en elle par les partis politiques et la population.