On est dans notre bon droit de leur dire: «Messieurs, respectez les règles que vous avez vous-mêmes édictées.» Avec la reparution annoncée du Matin aujourd'hui, on s'attend à ce que la mesure arbitraire de suspension de six journaux indépendants connaisse une fin heureuse, au grand bonheur de tous les lecteurs qui leur ont apporté leur appui. Cependant, en retrouvant leur place sur les étals des kiosques, les titres qui ont rassemblé les sommes exigées, auront prouvé une fois de plus le caractère fallacieux et trompeur de l'argument commercial invoqué pour justifier cette censure déguisée. Pourquoi? D'abord, parce que les factures ont été gonflées et des sommes fictives ajoutées aux dettes réelles. Ensuite, parce que les imprimeurs ont violé la clause du paiement «soixante jours fin de mois» qu'ils ont eux-mêmes signée. Si ce n'est pas un marché de dupes ça, c'est qu'on n'y connaît rien! Reste maintenant cette question des factures solidaires et concomitantes agitées comme des épouvantails par les imprimeries pour bloquer le tirage de Liberté et de Er Raï. Au premier, on a sorti des dettes contractées par le défunt journal Es Sahafa, au deuxième, celles de Er Raï el Am, même si tout le monde sait que les entreprises qui ont édité les deux journaux Liberté et Es Sahafa, sont juridiquement bien distinctes. Mais puisque ce principe de solidarité et de concomitance est mis en avant par les imprimeries, cela met à l'aise L'Expression pour demander le paiement de la créance que le journal détient sur l'Anep. Pour rappel, l'Anep fait partie du même groupe public de presse (Gpc) dont relèvent les imprimeries. Si cela ne se fait pas, c'est que les mêmes autorités qui ont ordonné aux imprimeurs de suspendre les journaux, appliquent le principe éhonté de deux poids deux mesures, et ça l'opinion publique nationale et internationale n'est pas prête à l'accepter. On est dans notre bon droit de leur dire: «Messieurs, respectez les règles que vous avez vous-mêmes édictées.». L'autre nouvelle qui nous a plutôt offusqués, concerne les mesures de harcèlement et de provocation exercés à l'encontre de Mohamed Benchicou, directeur du journal Le Matin, à sa descente d'avion à l'aéroport Houari-Boumediène à Alger. Choquant est un trop faible mot pour qualifier cette série d'actes qui vise à déstabiliser la presse, selon un enchaînement et une mise en scène bien huilée et qui lui cause un préjudice moral et financier innommable. Non seulement on a attenté à l'une des libertés garanties par la Constitution, à savoir la liberté d'expression, mais en plus, on a voulu faire croire que les journaux sont de mauvais payeurs. On a été jusqu'à envoyer des inspecteurs du travail dans certaines rédactions. Bien sûr, le comble du ridicule et de l'outrecuidance aura été atteint avec cette interpellation de Mohamed Benchicou. Mais c'est vrai que le ridicule ne tue pas. Le piège tendu à Benchicou cache mal la volonté délibérée de vouloir briser les reins d'un journal qui a toujours été jusqu'au bout de ses idées et de ses investigations, dans un pays où la rétention de l'information est considérée comme un sport national. Les auteurs de cette provocation ont voulu prendre à témoin l'opinion nationale, mais cette dernière sait très bien ce qui se cache derrière une telle mesure d'intimidation: la volonté de faire taire par tous les moyens, une voix qui dérange un pouvoir aux abois.