Liberté a été destinataire, hier, de sept convocations à comparaître devant le commissariat central d'Alger. Ce nouvel harcèlement vient s'ajouter aux autres convocations reçues la semaine dernière. Objectif évident : fermer notre journal à tout prix. Le journal Liberté continue d'être la cible d'un véritable acharnement judiciaire. Après les auditions de mercredi et jeudi derniers au commissariat central d'Alger où étaient convoqués le directeur de publication, le rédacteur en chef, le responsable de la coordination et un autre journaliste, deux représentants de la police judiciaire sont revenus, hier, au siège de notre journal porteurs de pas moins de sept nouvelles convocations. Celles-ci étaient adressées à l'ancien directeur de publication, Abrous Outoudert, au chroniqueur Mustapha Hammouche, au caricaturiste Ali Dilem, aux journalistes Rafik Benkaci et Mourad Belaïdi et, enfin, à l'actuel directeur du journal, Farid Alilat, et au rédacteur en chef, Saïd Chekri. Ces deux derniers sont ainsi appelés à se rendre au commissariat du boulevard Amirouche, pour la seconde fois en moins d'une semaine, pour être auditionnés, à l'instar de leurs collègues, par des officiers du service “Atteinte aux personnes” relevant de la Brigade criminelle. Comme les convocations du 26 août dernier, celles reçues hier ont été rédigées et envoyées sur instruction du parquet. Il s'agit donc, vraisemblablement, d'une nouvelle autosaisine que le procureur de la République aurait décidée suite à la publication d'articles jugés “diffamatoires”. C'est aujourd'hui, en tout état de cause, que nous prendrons connaissance des écrits incriminés. Mercredi et jeudi derniers, Farid Alilat, Saïd Chekri, Ali Ouafek et Rafik Hamou prenaient connaissance au commissariat de l'objet d'une première autosaisine du procureur de la République : un dossier publié le lundi 11 août 2003 en pages 2 et 3 et annoncé à la une de l'édition sous le titre : “Tous des voleurs ?! Expliquez-vous”. Interrogé sur le contenu du dossier, les quatre journalistes avaient refusé de s'exprimer et avaient déclaré qu'ils réservaient “les réponses aux questions de fond” au magistrat qui aura à instruire l'affaire. Ces premières auditions de membres de la rédaction de Liberté intervenaient cinq jours seulement après le retour du journal sur les étals, après une suspension pour “raison commerciale” qui avait duré trois jours, soit du 18 au 20 août inclus. Trois jours durant, les imprimeries étatiques du centre (la SIA), de l'est (la SIE) et de l'ouest (la SIO) refusaient de procéder au tirage du journal, s'entêtant à réclamer le paiement de factures qui, en vertu des conventions dûment signées par les sociétés d'impression et les sociétés éditrices, n'arriveront à échéance qu'au 1er octobre prochain. De guerre lasse, Liberté avait décidé de régler toutes les factures, y compris celles de l'hebdomadaire Liberté-Economie et celles du défunt quotidien arabophone Essahafa dont les dettes auraient dû être réclamées au liquidateur d'autant que ce journal était édité par une société indépendante de la Saec dont relève Liberté. D'autres journaux parmi les six titres frappés de suspension pour les mêmes “motifs commerciaux” ont opté pour la même voie, l'objectif pour tous étant de reparaître et de reprendre chacun sa place sur la scène médiatique. C'est ainsi qu'El Khabar, Liberté, Le Matin et le Soir d'Algérie ont pu déjouer “le piège de la commercialité”, en attendant la reparution de L'Expression annoncée pour aujourd'hui et celle du journal arabophone Er-Raï dont le retour serait imminent. À présent, tout porte à croire que la mise en échec de l'argument commercial ne signifie pas la fin de l'épreuve pour les journaux ciblés. Le Matin en sait déjà quelque chose : son directeur, Mohamed Benchicou, est mis sous contrôle judiciaire et interdit de sortie du territoire après qu'il eut fait l'objet d'une cabale orchestrée autour d'une banale affaire de bons de caisse, une affaire qui, pour tout dire, n'en est pas une. Liberté, pour sa part, continue d'être la cible privilégiée d'un harcèlement policier et judiciaire sans précédent. Au total, la rédaction du journal a été destinataire de pas moins de douze (douze, vous avez bien lu) convocations de la police judiciaire en l'espace de sept jours. Et il faut croire que ce n'est pas fini. SAID CHEKRI Coordination des villages et quartiers de Tizi Rached (CVQTR) “Votre combat est le nôtre” Dans sa vilaine entreprise d'en finir avec la liberté d'expression et de bâillonner à jamais les quelques voix récalcitrantes qui osent le contrarier, le pouvoir mafieux et usurpateur, qui semble être décidé à aller loin dans la forfaiture et l'indécence et à y employer tout son arsenal répressif, est entré en guerre contre la presse indépendante et a redoublé de férocité contre les plumes rebelles qui la fondent. Après s'être, en effet, plus ou moins accommodé de la présence de cette presse libre en essayant d'édulcorer ses effets “dangereusement” émancipateurs et subversifs par l'instrumentalisation de la justice, grâce à un code pénal scélérat et liberticide, les tristes potentats qui gouvernent l'Algérie — en réaction aux derniers déballages médiatiques relatant leurs actes de pillage des richesses nationales —ont commandé la suppression des six titres par lesquels la révélation des scandales est arrivée et risque d'arriver encore. Dès lors que le fallacieux argument financier a été surmonté par la plupart des journaux suspendus, le pouvoir mafieux et assassin n'a pas trouvé mieux que de s'attaquer aux libertés individuelles et à l'intégrité morale des journalistes travaillant au sein de ces titres frappés d'interdiction. Ne s'offusquant nullement d'être couverts de ridicule, ces tristes sires qui — grâce à leurs pouvoirs de marionnettistes — disposant de l'Algérie, avec toutes ses institutions, comme d'une propriété privée, sont allés jusqu'à monter une cabale policière contre le directeur du journal Le Matin, le journaliste M. Benchicou, en vue certainement de le jeter en prison et subsidiairement de retarder l'apparition de son journal. La mayonnaise n'a pas pris, mais les harcèlements policiers combinés aux pressions judiciaires n'ont pas pour autant cessé contre les journalistes, notamment ceux de Liberté et du Matin, qui sont convoqués quotidiennement aux commissariats d'Alger ou mis sous contrôle judiciaire. “La mise à mort ou la mise au pas”, tel est le choix signifié désormais à cette presse autonome qui reste malheureusement l'un des rares “vestiges” démocratiques non encore confisqué par les monarques qui régentent le pays. Faut-il alors laisser ces sinistres despotes asservir l'Etat et la patrie pour asseoir encore leur hégémonie et écraser irrémédiablement la citoyenneté ? Il est clair qu'on ne peut pas se suffire de réponses sans actes concrets car, quand bien même le tropisme agressif du pouvoir actuel dénote-t-il une panique, la régression démocratique, elle, est bien enclenchée. À telle enseigne que le combat que nous sommes obligés de mener aujourd'hui était naguère en passe de devenir un combat d'arrière-garde. Cependant, le combat pour la liberté d'expression ne doit pas être celui solitaire des journalistes, mais plutôt celui populaire de toute la nation. Ni les ONG (à l'image de RSF, CPJ et autres) qui ne finissent pas de se perdre en interpellations embarrassées et stériles, ni les chancelleries étrangères, avec leurs vœux pieux mâtinés de soutiens tacites aux dominants du moment, ne doivent nous faire oublier notre devoir de résistance. L'heure, en effet, est grave et toute abdication, toute lâche indifférence et toute servile trahison seront chèrement payées tôt ou tard. Cela dit, nous tenons à exprimer notre soutien indéfectible à tous les journaux qui sont la cible des coups bas et de l'arbitraire du pouvoir mafieux et assassin qui n'a jamais perdu espoir de confisquer le droit à la libre expression, incarné, au plus haut point, par la presse privée et autonome, et lequel a été acquis au prix fort. Aussi, nous assurons les personnels de tous ces titres de notre solidarité agissante en tous lieux et en toutes circonstances et nous leur disons que leur combat est le nôtre. Pas de dialogue, pas de trêve sans la liberté de la presse Ulac smah ulac Le combat continue Tizi rached, le 31 août 2003