Les Marocains se rendent vendredi aux urnes pour des législatives où le score des partis, surtout du Parti Justice et Développement (PJD, islamistes modérés), et le taux de participation seront les principaux enjeux. Ces élections anticipées, que le pouvoir veut «historiques», et auxquelles 13 millions de Marocains sont appelés à participer, devraient permettre aux forces politiques (une trentaine de partis sont en lice) de mesurer réellement leur poids respectif. Le PJD --jusqu'à présent toujours dans l'opposition -- affrontera des partis aguerris. Principalement l'Istiqlal (Indépendance) du Premier ministre Abbas El Fassi et le RNI (Rassemblement national des indépendants, libéral) du ministre de l'Economie et des Finances, Salaheddine Mezouar -- deux des formations de la coalition gouvernementale. Le PJD, lui aussi très organisé, table sur un «effet Ennahda», le parti islamiste vainqueur des élections du 23 octobre en Tunisie, et sur la vague islamiste dans plusieurs autres pays musulmans, comme la Turquie et l'Egypte. Le Parti Justice et développement est actuellement le premier parti d'opposition avec 47 députés sur les 395 au parlement. L'Istiqlal compte 52 députés. Un succès vendredi lui ouvrirait les portes du gouvernement, puisque, selon la constitution récemment modifiée, le Premier ministre sera choisi au sein du parti arrivée en tête. Les législatives interviennent quelques mois après la réforme constitutionnelle initiée par le roi Mohamed VI et massivement approuvée par référendum le 1er juillet dernier. Interrogé sur le risque de voir le pays devenir islamiste, Khalid Naciri, ministre de la Communication et membre du petit Parti du progrès et du socialisme (PPS), a répondu: «Non. Le Maroc n'est pas la Tunisie. Il n'y a pas de danger islamiste. La Tunisie vient de découvrir le pluralisme politique» qui existe déjà au Maroc. «Le jeu n'a jamais été aussi ouvert (...) et le parti le plus puissant ne dépassera sans doute pas les 16 à 18%» des votes, a encore estimé M. Naciri. Plusieurs experts envisagent un gouvernement à plusieurs partis. «Le PJD peut prétendre à être le premier. Mais même s'il dirige le gouvernement, l'exécutif se fera autour d'une coalition», déclare ainsi Omar Bendourou, professeur de droit constitutionnel à la faculté de Rabat, qui se refuse à tout «pronostic hasardeux». Reste la question clé du taux de participation dans un pays où la majorité des électeurs boudent les urnes (en 2007, seuls 37% des inscrits avaient voté). «Pour le pouvoir, une participation forte doit permettre de crédibiliser les réformes constitutionnelles» et donner au Royaume «une crédibilité, une image favorable à l'étranger», déclare M. Bendourou. Human Rights Watch a demandé jeudi aux autorités marocaines de cesser de harceler ceux qui appellent à l'abstention, en soulignant que celle-ci est «un droit». «Depuis le 20 octobre, la police marocaine a interpellé plus de 100 Marocains à travers le pays et les a interrogés sur les distributions de tracts appelant au boycott», affirme l'ONG de droits de l'homme basée à New York. La nouvelle Constitution octroie, entre autres, plus de pouvoirs au parlement et au chef du gouvernement tout en promettant un système plus démocratique que dans le passé. Mais le souverain conserve des prérogatives très importantes dans plusieurs domaines. Les réformes sont décriées par le Mouvement de contestation du 20 février qui appelle la population au boycott. Ce mouvement, qui regroupe des islamistes, des militants de gauche et des jeunes, réclame une monarchie parlementaire, à l'image de l'Espagne, la fin des inégalités sociales et de la corruption qui gangrène ce pays de 35 millions d'habitants. Pour assurer la transparence du scrutin, 4.000 observateurs, marocains et étrangers seront présents.