Les Marocains ont voté vendredi, avec une participation de 45% à la clôture du scrutin, pour désigner une chambre des députés où, pour la première fois, un parti islamiste modéré pourrait être le mieux représenté. Ces législatives ont été organisées cinq mois après une réforme constitutionnelle voulue par le roi Mohamed VI, censée démocratiser le système politique contesté depuis le début de l'année par un mouvement de jeunes. Le ministre de l'Intérieur, Taib Cherkaoui, a annoncé après la fermeture des bureaux de vote à 19H00 GMT que la participation avait atteint 45%. Il s'agit des «premières estimations», a précisé M. Cherkaoui au cours d'une conférence de presse, ajoutant que le «scrutin s'est déroulé dans un contexte normal, et un climat de mobilisation et de responsabilité». Dans la nuit de vendredi à samedi, la formation islamiste modérée, le parti islamiste justice et développement (PJD) d'Abdellah Benkirane, premier parti d'opposition avec 47 députés sur 395 dans l'assemblée sortante, a affirmé avoir largement devancé les autres formations. «Notre parti devance substantiellement ses rivaux dans l'ensemble du pays», a déclaré Hassan Lamrani, le porte-parole de la campagne électorale du PJD, tandis qu'un dirigeant de ce parti, Lahcen Daoudi, évoquait « un raz-de-marée dans toutes les grandes villes en faveur du PJD. Les résultats définitifs de ce scrutin où 31 partis politiques étaient en lice seront connus dimanche après-midi. Le ministre de la Communication Khalid Naciri a pour sa part déclaré que la compétition électorale était ardue (...) Le processus de maturation démocratique est véritablement enclenché. «Les pouvoirs publics ont tout fait pour que ce scrutin soit un moment démocratique sain et transparent», a-t-il souligné. En 2007, pour les dernières consultations électorales, le taux de participation avait été de 37%. Le PJD, qui pourrait devenir le premier parti à la chambre, suivrait ainsi un chemin semblable à celui du parti islamiste tunisien Ennahda, qui a obtenu le meilleur score aux législatives d'octobre, dans cet autre pays d'Afrique du Nord où a pris naissance le «printemps arabe». Le PJD pourrait devancer l'Istiqlal (Indépendance) de l'actuel Premier ministre Abbas El Fassi, parti le plus ancien du Maroc, qui a combattu pour l'indépendance, bien implanté sur tout le territoire national mais qui pourrait faire les frais de l'usure du pouvoir. La formation islamiste devrait également devancer un autre membre de la coalition gouvernementale, le Rassemblement national des indépendants (RNI), parti jeune et composée notamment de technocrates, dirigée par Salaheddine Mezouar, ministre de l'Economie, que certains voient diriger le prochain gouvernement. «Le PJD peut prétendre à la première place. Mais même s'il dirige le gouvernement, l'exécutif se fera autour d'une coalition», a estimé le juriste Omar Bendourou. «Le parti le plus puissant ne dépassera sans doute pas les 16 à 18% des votes», avait affirmé Khalid Naciri, ministre de la Communication. Via des spots publicitaires, la télévision marocaine avait appelé toute la journée les Marocains à se rendre aux urnes pour accomplir un devoir national. Pas plus que dans le passé, je ne compte voter, a toutefois expliqué Mohamed, 45 ans. «Pour moi, il y a Dieu, la patrie et le roi. Et c'est tout», a ajouté ce gardien de voitures, un des très nombreux abstentionnistes de ce pays de quelque 35 millions d'habitants, avec 13,5 millions d'électeurs appelés aux urnes vendredi. Le Maroc connaît un taux de chômage très élevé surtout chez les jeunes, et la grogne sociale y est très importante. Les contestataires du Mouvement du 20 février ont appelé au boycottage de ce scrutin. Le vote était supervisé par 4.000 observateurs marocains et étrangers dont une délégation du Conseil de l'Europe.