La menace de l'agence S&P de dégrader la note financière des pays euro, met la France au bord de la crise de nerfs L'incertitude est montée d'un cran en zone euro hier, après la menace de l'agence Standard & Poor's de dégrader la note financière de 15 pays dont l'Allemagne et la France, mettant la pression sur les dirigeants de l'UE. L'annonce de S&P, qui a fait chuter les marchés européens à l'ouverture, est tombée à un bien mauvais moment pour le président français Nicolas Sarkozy et la chancelière allemande Angela Merkel, qui en annonçant lundi un «nouveau traité» européen, à 27 ou si besoin à 17, pensaient avoir fait un grand pas. Cette proposition doit être discutée à partir de demain soir par les dirigeants européens, mais le temps presse pour trouver une solution convaincante à la crise qui empoisonne la zone euro depuis deux ans. Le chef de file des ministres des Finances de la zone euro, Jean-Claude Juncker, a vivement réagi hier, dénonçant une menace «exagérée et aussi injuste» de S&P. «Cela m'étonne beaucoup que cette nouvelle tombe du ciel à l'aube du sommet européen. Cela ne peut pas être une coïncidence» a-t-il ajouté. Le gouverneur de la Banque de France Christian Noyer a lui jugé «complètement à contre-temps» cette menace, jugeant qu'elle répondait à des critères davantage politiques qu'économiques. Paris et Berlin s'étaient dits lundi soir «pleinement solidaires» et avaient confirmé la «volonté de prendre toutes les décisions nécessaires» pour «assurer la stabilité de la zone euro». La France est particulièrement visée par Standard & Poor's, qui menace d'abaisser sa notation de deux crans. Hier, Mme Merkel a voulu relativiser la portée de cette nouvelle, déclarant à Berlin qu'elle voulait «continuer sur le chemin» des réformes. «Nous allons mettre en oeuvre les décisions que nous jugeons importantes». «C'est un long processus», a-t-elle dit lors d'un point presse. Faisant contre mauvaise fortune bon coeur, son ministre des Finances Wolfgang Schäuble a estimé que l'avertissement de l'agence de notation était la «meilleure incitation possible» avant le sommet européen. «Je ne peux rien imaginer de plus efficace», a-t-il ajouté. Ebranlées, les Bourses européennes ont hier ouvert en recul (Francfort -1,38%, Londres -0,72%, Milan -0,95%, Paris -0,50% avant de passer dans le vert), sans toutefois céder à la panique. L'euro a également reculé, et cotait 1,336 dollar vers 09H30 GMT. Le coup de semonce de l'agence de notation souffle sur les braises et confirme que «personne n'est à l'abri, même les meilleurs prêteurs de la zone euro», estime Rainer Guntermann, économiste de Commerzbank. Une dégradation des notes souveraines de la quasi-totalité des pays de la zone euro aurait un «large impact» sur l'économie, ajoutent les analystes de Barclays Capital. D'autres émetteurs de dette, comme les banques ou les institutions publiques pourraient être dégradées dans la foulée, et les investisseurs éviter encore davantage la zone euro. Une dégradation des notes à long terme de 15 pays de la zone euro, dont l'Allemagne, l'Autriche, la Finlande, la France, le Luxembourg et les Pays-Bas, qui bénéficient actuellement de la meilleure possible, mettrait aussi en péril la capacité de prêt du Fonds européen de stabilité financière (FESF), le mécanisme d'urgence de la zone euro, qui maintient l'Irlande et le Portugal à flot, soulignent les économistes. En mettant «une forte pression sur les dirigeants de la zone euro pour qu'ils décident d'un ensemble de mesures budgétaires sérieux», l'agence américaine leur rend un fier service, estime toutefois de son côté Holger Schmieding, de la banque Berenberg. Si ces mesures sont convaincantes, la BCE pourrait «briser le cercle vicieux» d'aggravation de la conjoncture et de l'endettement des Etats européens en «agissant de façon crédible», c'est à dire rachetant massivement de la dette souveraine, ajoute-t-il. Son président Mario Draghi sera demain l'objet de toutes les attentions lors de sa conférence de presse mensuelle. Hier, le destin de la monnaie unique devait faire l'objet de discussions à Francfort, où le secrétaire au Trésor des Etats-Unis doit rencontrer le président de la Banque centrale européenne Mario Draghi, ainsi que celui de la Bundesbank Jens Weidmann.