Francisco Guerrero, responsable de la Coordination des associations amies du peuple sahraoui, a soutenu dans cet entretien que des négociations avaient lieu avec les ravisseurs des trois humanitaires européens enlevés dans les camps des réfugiés sahraouis, le 22 octobre dernier. Et de souligner que le rapt de ses camarades est lié à la question sahraouie et à des enjeux géostratégiques de certaines parties occultes. L'Expression: Etant responsable de la Ceas, comptant un membre parmi les humanitaires enlevés le 23 octobre dernier, quelles sont les parties que vous accusez et quelles sont, selon vous, les intentions et les visées des auteurs du rapt? Francisco Guerrero: Qu'ils soient terroristes, services spéciaux ou baron d'un réseau mafieux quelconque, les auteurs de l'enlèvement des 3 humanitaires européens, le 22 octobre dernier dans le camp de réfugiés de Hassi Rabuni, est un acte criminel condamnable par les lois humaines et célestes. Les auteurs des enlèvements de trois de nos frères humanitaires, venant de leur propre volonté et en toute liberté en aide à un peuple sahraoui colonisé depuis 36 ans et vivant que des aides humanitaires, doivent répondre de leurs actes devant la justice. Nos associations activent dans les camps des réfugiés depuis 20 ans, soit depuis le cessez-le-feu, et n'ont jamais eu de problèmes et de soucis sécuritaires pour mener à bon port leurs missions avec le peu de moyens dont elles disposent. Néanmoins, nous avons fait face aux campagnes de diabolisation menées par certaines parties occultes visant à déstabiliser le Sahara occidental, en essayant, d'une part, de l'inscrire dans la liste noire des organisations terroristes et de l'autre, dans la liste des réseaux mafieux régionaux, voire internationaux. Pour ce qui est des auteurs de l'enlèvement des humanitaires, à savoir l'Italienne Rossella Urru, (Sardaigne) et les Espagnols Enric Gonyalons (Majorque aux Baléares) et Ainhoa Fernandez de Rincon (Extramadure), dans le sud-ouest de l'Espagne et membres d'ONG, dans un camp de réfugiés administré par le Polisario, nous sommes fermement convaincus que le Polisario est innocent dans cette affaire. Militants des droits de l'homme et responsables de la Coordination des associations amies du peuple sahraoui le sont également. D'ailleurs, nous n'avons pas cessé de mener un travail de sensibilisation et d'information en Europe, notamment dans les milieux de la société civile. Nous essayons de contrecarrer tout ce qui se dit à propos du danger encouru par les organisations humanitaires à destination du Sahara occidental ou en activité sur place. Quelles sont alors les parties complices dans l'acte de l'enlèvement de vos camarades? Je ne sais pas qui sont les terroristes auteurs du rapt, mais je comprends, de plus en plus, que le rapt de mes camarades est survenu dans un contexte régional des plus explosifs. Ce qui laisse supposer que le rapt est lié à des enjeux politiques majeurs dans la région, qui trouveront leurs explications dans les déclarations du Maroc reprises largement par une certaine presse européenne et les déclarations du ministre de la Défense du Sahara occidental accusant directement et ouvertement les services marocains, soutenus par les Français, d'être les commanditaires de l'enlèvement de l'Italienne Rossella Urru, et des Espagnols Enric Gonyalons et Ainhoa Fernandez. Croyez-vous aux déclarations du ministre sahraoui de la Défense? Tenant compte de la situation régionale et des enjeux géostratégiques de certains pays européens en l'occurrence la France, il y a de fortes chances que le ministre dise vrai, d'autant plus qu'il a souligné qu'il détenait des informations et des preuves tangibles. Or, contrairement aux enlèvements précédents qui ont eu lieu dans la région, notamment au Sahel, les groupes terroristes d'Aqmi qui ne ratent pas l'occasion de revendiquer leurs actes, et exiger des rançons ou poser d'autres conditions, il se trouve que cette fois-ci, cette organisation terroriste a revendiqué son innocence. Quelles sont les visées du rapt? Je pense que le rapt est lié à la question sahraouie avec le Maroc et aux enjeux opposant les différentes parties impliquées et présentes dans la région. Ce qui suppose que le rapt est aussi un acte de pression contre le Front Polisario organisant l'un des plus grands et exceptionnels de ses congrès, 20 ans après le cessez-le-feu. Aussi, au moment où la diplomatie sahraouie a frappé fort auprès du Parlement européen, qui vient, d'ailleurs, de refuser de renouveler l'Accord de pêche signé entre le Maroc et l'Union européenne. Donc, il convient de dire que le rapt est un acte de chantage et de pression contre le Front Polisario et une campagne pour discréditer et salir l'image de son peuple, hospitalier n'aspirant rien qu'à son autodétermination. Qu'en est-il des contacts de votre coordination avec votre gouvernement et l'Etat sahraoui? Avec le gouvernement espagnol, nous avons des garanties, qui nous ont été formulées par des représentants officiels, lesquels nous ont demandé d'adopter un profil bas sur la question du fait qu'elle est entre les mains d'un personnel espagnol sur le terrain. Le dossier a été confié à Antonio Sanchez-Benedito, qui était l'ex-ambassadeur de l'Espagne en Ethiopie. Le diplomate est aussi l'ex-négociateur de la libération des pêcheurs du bateau espagnol, Alakrana, enlevés par des pirates somaliens en 2008. S'agissant de nos contacts avec le Polisario, nous avons toute l'assurance et la confiance que le peuple sahraoui et ses services de sécurités veilleront à faire de leur mieux pour libérer sains et saufs nos frères détenus par des criminels.