Le recours à la force publique démontre, une fois de plus, l'échec des autorités à faire face au drame des citoyens. Le spectacle des familles relogées à la cité dite 350 Logements, aux Figuiers, à moins de cinq kilomètres à l'est de Boumerdès, n'offrait pas, hier, le tableau réjouissant de citoyens contents d'avoir, enfin, bénéficié d'un appartement. Et pour cause, avant-hier, au soir, des dizaines d'autres familles, venues de Boumerdès, de Zemmouri, de Corso et d'ailleurs, avaient été délogées de force par les brigades d'intervention de la gendarmerie et de la police, des logements qu'elles squattaient depuis quarante-huit heures. En fait, il fallait recourir à la force publique pour déloger les citoyens squatters. Ceux-ci après les dernières pluies qui ont rendu leurs sites d'hébergement pareil à un énorme bourbier, ont décidé de squatter les logements inoccupés. Et c'est ce qu'ils ont fait à Boumerdès, en occupant de force les logements semi-collectifs de l'Eprc et ceux de la cité des 350 Logements des Figuiers (El-Kerma). Après un temps passé, inexplicablement, à observer tout ce mouvement, les forces de l'ordre ont reçu du wali de Boumerdès le mandat de perquisition permettant de recourir à la force publique pour déloger les sinistrés, devenus en l'espace de quarante-huit heures, des indus occupants. Jeudi matin, donc, à dix heures, le commandant du groupement de la gendarmerie de Boumerdès engage des discussions avec les squatters des Figuiers, après l'échec des pourparlers avec les autorités civiles. La rue est déjà coupée entre les Figuiers et Zemmouri et les citoyens ont barricadé la cité pour empêcher l'entrée des renforts. A ce moment-là, ont surgi des dizaines d'éléments de la brigade anti-émeute, relevant de la gendarmerie, «dépêchée de Réghaïa», affirment les citoyens, et ont commencé à utiliser «la force», dans toute l'étendue du terme. Des jeunes sont brutalisés, des insultées et des pères de famille les plus tenaces «matraqués». hier, vendredi, au moins six citoyens nous ont montré des traces de coups de matraque, visibles encore sur leur corps. Une femme enceinte a déposé, hier, une plainte contre l'officier de la brigade anti-émeute qui l'avait poussée dans les escaliers, en lui disant: «Je te jetterai par la fenêtre s'il le faut, et tu n'auras qu'un cercueil à t'offrir.» Sur la route, il y a eu quelques échauffourées entre les jeunes et les anti-émeutes. Au moins deux tirs au gaz lacrymogène ont été nécessaires pour disperser les émeutiers, et vers 18h, des camions de la wilaya ont été dépêchés sur place pour faire revenir les familles à leur site d'origine. Vers 23h, les responsables de la wilaya ont commencé à donner des affectations de logements à certains sinistrés et, en catimini, les familles bénéficiaires ont occupé à minuit passé leur nouvelle habitation. Dans la journée, les occupants de la cité Eprc ont été invités vigoureusement par la police à quitter les lieux. Les 58 familles quittent les lieux en promettant qu'«à la prochaine pluie», s'ils sont encore dans leur site-bourbier, «ça va barder». Hier encore, plusieurs comités des sites sinistrés de Corso, Zemmouri, Boumerdès et Tidjelabine ont engagé une réflexion pour faire aboutir leurs revendications. L'offre de 1.000.000 de dinars est d'ores et déjà rejetée. Des marches de protestation sont prévues aujourd'hui-même devant l'APC et le siège de la wilaya de Boumerdès, et la rentrée scolaire risque d'être boudée. La dernière image qui reste encore de la journée d'hier, c'est celle de renforts de la gendarmerie qui surveillent l'entrée de la cité des 350 Logements des Figuiers, en prévision de nouveaux squatters. Le péril pour les autorités viendra certainement de Boumerdès. Car entre Réghaïa et Bordj Menaïel, les tensions et les turbulences agissent comme le tic-tac d'une bombe à retardement.