La victoire d'une formation islamiste modérée, le Parti justice et développement (PJD) aux législatives anticipées du 25 novembre 2011, et la désignation de son secrétaire général, Abdelilah Benkirane, en qualité de chef de gouvernement par le roi Mohammed VI, constitue l'événement politique de l'année au Maroc. Bien qu'acquise avec un nombre de sièges qui ne lui permet pas de gouverner seul, cette victoire marque un tournant dans la vie politique marocaine et confirme la tendance du vote populaire, telle qu'elle s'est dessinée dans la région arabe (Tunisie, Egypte), à se porter sur les partis à référentiel islamique qui se trouvent confrontés à la gestion des affaires . La montée en puissance de ce parti, dont la création sous l'appellation actuelle remonte à 1998 après la scission avec le MUR (Mouvement unité et réforme), a été fulgurante. Sa représentation au Parlement est passée de neuf députés en 1997 à 47 dans la précédente assemblée avant de devenir, à la faveur des dernières élections, la première formation politique du Maroc avec 107 sièges à la chambre basse distançant de loin le vieux Parti de l'Istiqlal (Parti de l'indépendance, 60 députés). Longtemps confiné dans l'opposition parlementaire, le PJD a saisi l'occasion offerte par les révoltes dans certains pays arabes et par le mécontentement politique et social qui s'est bruyamment manifesté dans le royaume depuis l'émergence du mouvement du 20 février, pour se positionner en tant qu'alternative aux partis monarchistes traditionnels. Le Mouvement du 20 février est un rassemblement de jeunes d'obédiences idéologiques différentes, né dans le sillage des révoltes dans plusieurs pays arabes, pour réclamer des changements démocratiques au Maroc. Il tire son appellation de la date des premières marches, pour revendiquer notamment l'instauration d'une monarchie parlementaire et l'adoption d'une constitution démocratique. Ayant choisi de ne conclure aucune alliance avant les élections préférant faire «cavalier seul» contrairement aux nombreux partis qui ont constitué des, coalitions censées lui «barrer la route», le PJD va, très peu de temps après les manifestations de joie célébrant sa victoire, être confronté à la réalité du système politique marocain.