Chaque jour qui passe voit les libertés individuelles et collectives se rétrécir davantage sous les coups de boutoir d'un pouvoir aux abois. Les journaux suspendus sont maintenant tous de retour sur les étals des kiosques, à l'exception de notre confrère de l'Ouest, Er Rai, toujours absent. Demain, les titres hier suspendus, et quelques autres confrères, ne paraîtront pas pour protester contre les mesures de restriction imposées aux libertés collectives et individuelles. Cette journée sans journaux, aussi symbolique soit-elle, se veut ainsi attirer l'attention sur le fait que depuis quelques mois les libertés en Algérie sont chaque jour davantage bridées et les journalistes, entre autres, traqués comme de vulgaires malfaiteurs. L'atteinte à la liberté d'expression marquée par la suspension politique de six titres semble maintenant faire tache d'huile pour atteindre d'autres secteurs de la vie sociale et professionnelle. Longtemps soucieux de son image de marque, singulièrement auprès de la communauté internationale, le pouvoir empêtré dans les difficultés inhérentes à un pays en plein marasme social et politique, semble avoir amorcé un virage que d'aucuns estiment dangereux, car faisant le choix du pire. En effet, les bastonnades des manifestants comme l'ont été les sinistrés de Boumerdès, les arrestations massives, ces derniers jours, de journalistes, celles des enseignants en grève, l'impossible dialogue avec les archs, sont autant d'indices qui sont ceux d'un pouvoir aux abois, devant son incapacité à répondre aux demandes des citoyens. L'usage de la répression, loin d'être une démonstration de force, indique en fait que le pouvoir a perdu, outre sa sérénité, l'écoute de la société. C'est sans doute cela qu'il convient d'abord de relever, car en réprimant la presse, véhicule en fait des premières libertés dans un Etat de droit, les libertés de dire et de critiquer, le droit d'informer et le droit de savoir, le pouvoir donne l'impression de parer au plus pressé. La presse est en réalité l'un des vecteurs les plus importants des libertés citoyennes. Beaumarchais le soulignait déjà, en son temps: «Sans la liberté de critique, il ne saurait y avoir d'éloge flatteur». Or, en 2003 l'Algérie, qui a consenti d'immenses sacrifices sur le chemin, certes ardu, des libertés, voit aujourd'hui remis en cause ces espaces difficilement acquis. Car, si la suspension de six titres de la presse privée est un signe du marasme qui est celui des libertés d'une manière générale, les restrictions aux manifestations des catégories sociales sont, elles, annonciatrices de jours difficiles pour la démocratie et les choix citoyens. En fait, les libertés n'ont jamais été autant brimées qu'elles le sont depuis l'ouverture de la campagne, hors saison, de la présidentielle de 2004. Aussi, faut-il craindre des jours plutôt sombres pour les libertés collectives et individuelles réduites à peau de chagrin.