Ahmed, un lecteur abonné du journal L'Expression se dit révolté par la décision de suspension qui vient de frapper certains quotidiens nationaux. «S'ils les ont suspendus c'est parce qu'ils disent la vérité», disait-il quand nous l'avions rencontré dans un kiosque où il espérait retrouver son journal préféré. Plusieurs lecteurs d'Oran avaient pris l'habitude de réserver auprès de leurs buralistes notre journal pour ne pas rater l'édition du jour. Cette façon d'agir met parfois dans la gêne les gérants des «tabacs-journaux», obligés de composer avec leur quota pour ne pas perdre leur clientèle. «Que voulez-vous, il faut agir de la sorte pour ne pas perdre nos clients et puis c'est vrai, le journal L'Expression apporte une lecture différente de l'actualité, c'est ce qui fait son originalité», dira le propriétaire d'un kiosque bien situé en plein centre-centre d'Oran. Des citoyens oranais se disent mobilisés pour défendre la liberté d'expression menacée par l'arbitraire qui a frappé des titres de la presse indépendante. «Moi je connais des titres qui n'ont jamais payé leur facture d'impression», dira un journaliste rencontré à Oran. Lancé dans la discussion il nous citera le cas d'un journal édité à Oran et qui a été suspendu de tirage, il y a 3 mois par la Simpral. «Pourquoi ils ne l'ont pas suspendu puisque le Tout-Oran sait pour qui il roule et le volume de l'ardoise qu'il a laissée à la Simpral», dira ce confrère. Le retour sur les étals de certains de nos confrères a été salué par des lecteurs oranais. «Nous avons besoin d'une presse incisive et éclairée qui ne caresse pas dans le sens du poil», dira un turfiste rencontré devant le kiosque de Hamou, un lieu mythique pour la presse et les Oranais. Tous s'accordent à dire que le pouvoir a puni ceux qui ne partagent pas ses convictions. «Nous croyions ces pratiques révolues et voilà qu'on remet ça», dira une employée de l'Apc qui avait l'habitude de naviguer entre le bouquet de titres suspendus. Un intellectuel responsable d'une unité de recherche au Crasc ne veut pas encore croire à la décision de suspension qui a frappé des titres indépendants. «Ceux qui ont pris cette décision nous ont renvoyés aux années de plomb. A l'aube du troisième millénaire et partant du principe de l‘Etat de droit auquel nous aspirons, il était du devoir des responsables qui se sentaient diffamés par des articles de presse de recourir au service de la justice au lieu d'user d'arbitraire. Et puis vous savez, l'Algérie pour laquelle ont combattu nos parents est plurielle et où sont garanties les libertés individuelles et collectives», dira notre interlocuteur. Tous les lecteurs que nous avons rencontrés insistent sur le caractère illégal de la suspension tout en rejetant l'argument commercial. «Dans toute pratique commerciale il y a les concepts de dettes et de créances et tous ceux qui les ignorent ne peuvent en aucune manière prétendre posséder ou gérer une entreprise commerciale. De plus quand la relation est régie par un contrat en bonne et due forme, la légalité voudrait qu'on le respecte au moins», nous dira un avocat rencontré au sortir du tribunal d'Es Sédikkia où il s'était rendu pour défendre des confrères du journal Er-Raï soumis à une véritable campagne de harcèlement policier et judiciaire ces derniers jours.