Présente lundi dernier au stand Gallimard, l'écrivaine dédicaçait son dernier livre Une enfance singulière, sorti chez Balland... Censurée, interdite d'antenne et exclue après l'indépendance, femme héroïque et féministe au parcours atypique, auteur de plusieurs livres La femme algérienne (Maspero 1965), Les Algériennes (Maspero 1967) et L'Algérie des illusions en collaboration avec Maurice T.Maschino, R. Laffont (1972), Fadéla M'rabet est revenue lundi dernier, par la grande porte dédicacer son dernier livre sorti récemment en France, chez Balland. Présente au stand Gallimard qui diffuse les livres français au Salon international du livre (Safex), Fadéla M'rabet est élégamment vêtue (elle revenait d'un déjeuner avec Khalida Toumi). A côté de ses livres qu'elle prend la peine de signer, patiemment et gentiment, se trouve une bouteille d'eau et des gobelets. «Il fait très chaud», dit-elle. Fadéla M'rabet est souvent visitée par des amis et proches. Le ministre de la Santé, Abdelhamid Aberkane fait un crochet par le stand et feuillette quelques livres. Peut-être voulait-il saluer l'écrivain, la consoeur. Fadéla M'rabet est aussi docteur en biologie. Et la valse des badauds continue. On reconnaît notre ami l'artiste plasticien, Med Massen. Amine Zaoui, l'actuel directeur de la bibliothèque nationale vient saluer l'écrivaine et lui prend avec sa permission trois livres. Sorti au mois de mars dernier, Une enfance singulière dénonce le mauvais traitement dont les algériennes ont souvent fait les frais. Battues par leur mari, jetées à la rue, certaines d'entre elles sont acculées par le désespoir au suicide dicté par l'intolérance et le machisme d'une «société qui est monstrueuse». Fadéla M'rabet confie dans son roman «Mes plus grands plaisirs viennent de mon désir de savoir (...) cette curiosité intellectuelle me sauvera du désespoir». Une enfance singulière qu'elle dédie à Djedda, raconte aussi tout le bonheur qu'elle avait à vivre à Skikda avec sa grand-mère sage-femme. L'incarnation du courage, de la force et de la vie. La révolte contre la mort, l'ennemi. «Les tyrans ne supportent ni le bruit des chaînes qu'on secoue ni les rires des . Rire et faire tinter ses bracelets, c'est une façon de dire: je me tais, mais je n'en existe pas moins. Dès l'enfance, on nous apprend à ne faire ni l'un ni l'autre. Nous devons être des ombres silencieuses, de purs esprits. Mais comment endiguer les vagues déferlantes des rires échappés des bureaux, des écoles? En sortant les couteaux (...) Seul l'ennemi avait changé : hier, le colonialisme et ses exploiteurs, aujourd'hui, l'intégrisme et ses tueurs, qui sèment la terreur», écrit dans son dernier roman Fadéla M'rabet. Emotive, prenant le temps de la réflexion, Elle insiste pour qu'on parle de la notion d'universalité «Oui, quand la parole est vraie, elle est universelle. C'est celle de l'être humain» et d'illustrer ses propos «mon récit qui est celui d'une enfance donc d'une petite fille algérienne dans un milieu arabo-islamique et bien, cette enfance, des Français, des Allemands, des russes, des Italiens se sont reconnus dedans parce que justement tout ce que j'ai dit est vrai. Une parole vraie. Les sentiments d'un enfant quel que soit le pays, finalement sont les mêmes parce que je parle dans ce livre de la souffrance, de la mort, du tragique de la condition humaine». Saluant le courage des , des battantes qui sont admirables par leur dynamisme, leur intelligence, qui continuent à sortir et à aller au travail pendant cette période tragique que vient de traverser l'Algérie, Fadéla explique que la situation des ne pourra changer que lorsqu'on aura un code de la famille digne d'elles. «Un code que moi j'appelle le code de l'infamie !», avoue-t-elle indignée. Et d'évoquer les raisons qui l'ont poussée à écrire ce roman: «Je l'ai fait pour changer l'image de l'Algérie dans l'esprit des Français. En effet, beaucoup m'ont dit qu'ils croyaient connaître l'Algérie. Mais ils se sont rendu compte après avoir lu mon livre qu'ils ne la connaissaient pas réellement. Ils me disent qu'ils m'envient d'avoir une famille comme la mienne parce que je décris un milieu arabo-musulman humanistes universaliste. Je dis que quand je suis arrivée en France, ma culture celle que j'avais et la culture universitaire française ne sont jamais entrées en confit. Ne serait-ce que pour cela, je suis satisfaite d'avoir écrit ce livre. Aussi, j'ai écrit ce livre évidemment pour les Algériens, parce que tout Algérien va retrouver son enfance dans la mienne», rappelle-t-elle. Toujours l'air pensif, très humaine et attachante en donnant parfois, l'impression de se confier plutôt à elle-même d'abord, ensuite aux autres, Fadéla M'rabet révèle, en se livrant à une sorte d'introspection: «En fait, j'ai fait ce livre pour que le monde de mon enfance ne meurt pas, parce que j'ai vécu dans un milieu peuplé d'hommes et de absolument magnifiques, je voulais laisser de ce monde une trace. Ce monde, petit à petit va disparaître. Or, pour moi la mort est inacceptable. Aussi bien celle des êtres que celle des peuples.» Consciente de la cherté de son livre qui se vend à 1400 DA au salon et à 1700 DA dans une librairie à Alger, Farida M'rabet souhaite, que son éditeur cède les droits d'édition à une maison d'édition algérienne pour qu'il soit à la portée de tous. Non loin de là, au café littéraire en face du stand Belgique Walonnie Bruxelles, la poésie était à l'honneur avec Djamel Amrani, Jean-Claude Villain, Azedine Mihoubi, Samira Negrouche et d'autres amoureux des vers et des belles rimes...