Il fut un temps pas si lointain que cela, la Kabylie était comparée à la Suisse. Mêmes paysages grandioses, même douceur de vivre comparée aux autres régions affrontant alors le terrorisme : ce nouveau chancre national. On venait de partout, d'Alger et des alentours et même d'ailleurs avec et enfants pour passer un week-end dans la région. Une façon de fuir la violence et de se requinquer quelque peu. Les gens du crû goûtaient, eux, à l'époque nouvelle qui était le multipartisme naissant. La politique et la culture se portaient bien. L'espoir de jours meilleurs se profilait à l'horizon...Cependant, tout cela n'allait pas durer. Le pays étant malade, la région ne pouvait qu'être atteinte. L'apparition de la violence dans les autres régions ne laissait pas indifférentes les populations. Mais tout le Monde à l'époque nous disait que la Kabylie est loin d'être un terreau pour l'intégrisme. Bien mieux, les partis politiques, les associations culturelles et le Mouvement culturel berbère, alors omniprésents au sein de la société, constituaient un barrage aux assauts de l'intégrisme, tous se reconnaissant dans le projet moderniste. Il reste que de temps à autre, l'on signale des incursions de bandes armées, ici et là. On se disait à l'époque : «Ils viennent de Bouira, plus précisément de la région de Lakhdaria ! Ils ne trouveront pas de logistique, alors ils ne traîneront pas!» ou encore, on observe avec une certaine angoisse la prolifération des actes d'intolérance dans la zone tampon avec la wilaya de Boumerdès. Sans plus ! C'est oublier que durant ce temps-là, les forêts et maquis de Kabylie attiraient comme le miel les mouches, les terroristes. Pour revenir à ces temps-là, il faut dire que la Kabylie s'est réveillée à la «donne terroriste» un peu tard, peut-être, mais avec détermination. Les villages des lignes de crête s'armèrent des fusils des défenseurs de la liberté et de toute stratégie de défense civile mise en place par les villageois eux-mêmes. Contrôle et surveillance étant les maîtres mots de cette stratégie. Les terroristes montèrent d'un cran dans leurs funestes projets. Coup sur coup, ils s'attaquèrent au commissariat de police de Tigzirt, puis tendirent des embuscades à la Gendarmerie sur la RN 25 et sur le CW 128. Les temps de l'insouciance sont terminés. Place à l'angoisse.