La sentence, assortie d'une amende de 5 000 DA, a provoqué la liesse parmi la foule. Une atmosphère particulière régnait hier au tribunal de Boumerdès où se tenait le procès des 12 adolescents accusés d'attroupement, de désobéissance et de destruction de bien d'autrui. Dehors, une nuée de citoyens était venue exprimer sa solidarité aux prévenus sous le regard d'une armada de policiers prêts à parer à toute hostilité. En effet, une agitation particulière était visible et les proches des jeunes prévenus «menaçaient de recourir à des actions de dénonciation en portant plainte à haut niveau». «Nous tiendrons un sit-in très prochainement pour exiger le départ du commissaire Djamel «l'émigré» qui harcèle les jeunes en les intimidant.» Alors que le procès se déroulait, une source sûre nous informe que «le wali tente d'intercéder en faveur des 12 détenus». Bien que cette information n'ait pas été confirmée, il demeure que «le ton clément employé par le juge laissait croire à la relaxe pure et simple des détenus». Un proche d'un des détenus a affirmé que «la violente répression des policiers lors de la marche semblait être ordonnée par le Président de la République via Zerhouni, et pour preuve qu'à aucun moment, les policiers n'ont tenté de disperser la foule comme l'exige la procédure». Allant dans ce sens, il ajoute que «ces arrestations ne sont qu'une tentative d'intimidation de la population en proie à une colère sourde du fait que le Président n'a pas tenu ses promesses». Ce n'est que vers 13 h 30 que le procès a été entamé. «Qu'est-ce que tu as à l'oeil ?» demande le juge à un des détenus présentant des hématomes et des points de suture à l'oeil gauche. «C'est la police qui m'a frappé pour arracher mes aveux et je me suis contenter de nier les faits qui m'étaient reprochés». La même réponse a jailli de la bouche des autres détenus. Le juge usant d'un langage paternaliste a su baisser quelque peu la tension qui montait parmi la foule et particulièrement une femme qui s'était mise à sangloter. Appelée à la barre, cette dernière implora la clémence de la justice évoquant tous les malheurs endurés par les sinistrés dont font partie les adolescents. Le fait unique de ce procès réside dans le refus des prévenus d'être assistés par des avocats et de «plaider leur cause, convaincus de leur innocence». «Nous sommes innocents», clamaient-ils, tout en mettant en relief «la sauvagerie avec laquelle ils ont été embarqués injustement par les policiers qui étaient armés de barres de fer et de gourdins». Un peu pour dire «qu'ils constituaient de parfait boucs émissaires». Aprés avoir entendu les prévenus, le juge donna la parole au procureur de la République qui a requis 4 ans de prison ferme et 5000 DA pour chacun des prévenus. Le réquisitoire et la sentence sont tombés tel un couperet qui donna des frissons à l'assistance. Le seul avocat qui représentait un des adolescents a développé une plaidoirie spectaculaire qui ne laissa pas indifférent le président de la cour. Avec dextérité et habileté, il démonta l'accusation en prouvant techniquement «un vice de forme dans la procédure lors de l'intervention policière et lors du procès en s'appuyant sur des articles précis du code pénal». Le manque de preuves tangibles a été mis en exergue par l'avocat pour prouver que l'accusation n'est fondée que sur «les constations des policiers qui n'ont fourni aucune preuve pouvant conduire à la condamnation des jeunes». Dans les coulisses, les observateurs parlent «de tentative d'éteindre les foyers de contestations de la part du pouvoir qui va crescendo vers l'échec dans l'opération de relogement des sinistrés». La nouvelle de la libération des adolescents a suscité la joie parmi la foule, mais certains parmi les citoyens entendent «dénoncer cet état de fait et porter plainte à haut niveau en interpellant les organisations des droits de l'Homme pour toutes les violences subies». Malgré le dénouement heureux de ce procès, il demeure que la population de Boumerdès continue de grogner à l'approche de l'hiver. Des foyers de tension sont à craindre dans les jours à venir.