Des milliers de manifestants sont descendus dans la rue vendredi en Syrie pour réclamer notamment une saisine du Conseil de sécurité de l'ONU après des mois de violences, faisant écho aux groupes d'opposition souhaitant que les observateurs arabes passent la main. Les manifestants ont commencé à défiler à la sortie des mosquées à la mi-journée, appelant à la chute du régime du président Bachar al-Assad et à la libération des détenus dans les provinces d'Alep (nord) d'Idleb et Lattaquié (nord-ouest), à Deraa (sud) et à Hama (centre), selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH). Après plus de dix mois de violences, plusieurs mouvements d'opposition ont réclamé une saisine de l'ONU, allant dans le sens des demandes occidentales. Le Conseil national syrien (CNS), plus important groupe de l'opposition, a réclamé le transfert du dossier au Conseil de sécurité de l'ONU, et la mise en place d'une zone d'exclusion aérienne pour protéger les civils des crimes du régime. Sur leur page Facebook «The Syrian Revolution 2011», des militants ont également réclamé une «internationalisation» de la crise, en allusion à une intervention de l'ONU, après une demande similaire d'ONG arabes ayant jugé inefficace la mission des observateurs envoyés par la Ligue arabe. Malgré leur présence sur le terrain depuis le 26 décembre, la répression n'a pas connu de répit. Des centaines de personnes ont été tuées depuis cette date selon l'opposition et l'ONU et au moins 5.400 personnes depuis le début de la révolte à la mi-mars. Le chef des observateurs arabes, Mohammed Ahmed Moustapha al-Dabi, doit présenter dimanche au Caire un rapport sur la base duquel l'organisation décidera de la suite de la mission. Selon le chef adjoint de la cellule de la Ligue arabe chargée de la mission des observateurs, Ali Jaroush, «tout indique que la mission d'observation en Syrie sera prolongée d'un mois car le premier mois n'a pas suffi, puisque il a été en partie consacré aux préparitifs logistiques». Un autre responsable a indiqué sous le couvert de l'anonymat que «le nombre d'observateurs serait porté à quelque 300», soit quasiment le double du chiffre actuel. «De nombreux pays arabes ont rejeté l'idée d'envoyer des troupes arabes en Syrie», comme l'avait proposé le chef d'Etat du Qatar Hamad Ben Khalifa Al Thani, a-t-il ajouté. Damas l'a également rejetée et accusé le Qatar d' «armer les gangs terroristes» en Syrie. Au Caire, le grand imam d'Al-Azhar, principale institution de l'islam sunnite, a appelé pour sa part les dirigeants arabes «à prendre des mesures sérieuses et immédiates» pour arrêter les violences en Syrie. Les observateurs ont été déployés après l'accord donné par Damas à un protocole régissant leur mission, qui prévoit un arrêt des violences, le retrait des chars des villes et le déplacement libre des médias étrangers. Mais aucune de ces trois clauses n'a été respectée. L'organisation de défense des droits de l'Homme Human Rights Watch a appelé la Ligue arabe à «travailler avec le Conseil de sécurité pour imposer un embargo à la Syrie sur les armes et des sanctions contre les individus responsables de graves violations». Le CNS a réclamé que le rapport des observateurs arabes «qualifie les actes du régime de crimes de guerre et de génocide». La France «ne se taira pas devant le scandale syrien» et ne peut accepter «la répression féroce» de la contestation, «qui conduit tout droit le pays au chaos», a affirmé le président français lors de ses voeux aux ambassadeurs. «La Ligue arabe s'est engagée dans une action courageuse, elle doit la poursuivre», a estimé Nicolas Sarkozy, appelant le Conseil de sécurité à lui «apporter son concours». Le chef de la diplomatie française, Alain Juppé, a écarté l'idée du Qatar d'envoyer des troupes arabes en Syrie rejoignant sur ce point la position russe. Jeudi, Damas a reconnu que les sanctions économiques de l'Union européenne et des Etats-Unis avaient entraîné des pertes de plus de deux milliards de dollars pour son secteur pétrolier, en raison de l'impossibilité d'exporter. Les sanctions ont également affecté la livre syrienne qui s'est effondrée face au dollar. Le gouverneur de la Banque centrale, Adib Malayeh, a indiqué au Financial Times que Damas allait prendre la semaine prochaine des mesures pour contrôler le taux de change. Sur le terrain, cinq civils ont été tués vendredi, un à Douma (nord de Damas), deux à Homs (centre) et deux à Deir Ezzor (est). A Homs, les manifestants se sont rassemblés dans le quartier d'Al-Khalidiya autour d'une reproduction de l'horloge du centre de la ville, interdit d'accès aux protestataires par le régime, selon un témoin. En outre, les services de sécurité ont remis les corps de six personnes, disparues depuis deux jours, à leurs proches dans la région d'Idleb. A Deraa (sud), un membre des forces de sécurité a été tué. Par ailleurs, l'OSDH a indiqué être sans nouvelle d'un opposant de poids, Mohamed Jabar Moussalama, membre du Comité national pour le changement démocratique (CNCD), depuis son arrestation le 14 janvier par des membres des services des renseignements. En France, les obsèques du journaliste Gilles Jacquier, tué le 11 janvier en Syrie, se sont déroulées vendredi à Bernex (est), en présence de journalistes et amis venus rendre hommage à un homme en quête de vérité. Gilles Jacquier, grand reporter, a péri à Homs lors d'un voyage autorisé par les autorités qui restreignent drastiquement les mouvements des journalistes dans le pays.