Les Syriens ont manifesté vendredi par dizaines de milliers à travers le pays pour apporter leur soutien aux militaires dissidents et crier leur haine du régime, malgré la répression qui a fait encore dix morts dont une fillette de six ans. Parallèlement, les Etats-Unis ont exprimé leur inquiétude à la Russie, alliée du régime de Bachar al-Assad, concernant un navire russe transportant des armes qui serait en route vers la Syrie. Vendredi, les forces de sécurité ont tué dix civils à travers le pays: cinq à Homs (centre), deux à Damir (près de Damas) dont une fillette de six ans, un à Kefer Nebel (nord-ouest), un dans la région d'Alep (nord) et un adolescent de 17 ans à Hama (centre), selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH). Dans la région d'Idleb (nord-ouest), près de 20.000 manifestants ont appelé à la chute du régime, tandis que 15.000 personnes ont défilé à Douma, près de Damas, où «des affrontements ont eu lieu le matin entre des agents de sécurité et des déserteurs», selon l'OSDH. Des milliers d'autres manifestants se sont rassemblés à Palmyre, dans la région de Homs, bastion de la contestation, et à Lattaquié (ouest). Comme régulièrement, les forces de sécurité ont tiré pour disperser les rassemblements dédiés ce vendredi aux militaires dissidents combattant le régime, en particulier à Deir Ezzor (est), Deraa (sud) et dans la banlieue de Damas, selon l'OSDH et les Comités locaux de coordination (LCC), qui chapeautent la mobilisation sur le terrain. Plusieurs rassemblements ont en outre rendu hommage au journaliste français Gilles Jacquier, tué mercredi par un obus à Homs, alors qu'il était en reportage avec plusieurs confrères. «Gilles Jacquier, vous êtes dans nos cœurs», proclamait en français la pancarte d'un manifestant dans le quartier de Barzé à Damas, selon une vidéo diffusée sur YouTube par les LCC. Il s'agit du premier journaliste occidental tué en Syrie depuis le début de, la révolte à la mi-mars. Aucun témoin n'a pu établir si l'obus avait été tiré par un rebelle ou par l'armée. Le parquet de Paris a ouvert une enquête pour homicide volontaire, alors que selon le quotidien français Le Figaro, la présidence française soupçonne «une manipulation» de la part des autorités syriennes. «Il y a des choses troublantes», a estimé le patron de Gilles Jacquier, Thierry Thuillier: «Par exemple, pourquoi, alors que ce convoi de journalistes est escorté militairement, pourquoi d'un seul coup les militaires disparaissent de la circulation au moment des premiers tirs?». Les violences se poursuivent en Syrie malgré la présence --critiquée pour son inefficacité-- depuis le 26 décembre de dizaines d'observateurs arabes chargés de surveiller l'application d'un plan de sortie de crise. «Des équipes supplémentaires d'observateurs (...) se déploieront dans les deux prochains jours», a déclaré le chef des opérations de cette mission, Adnane Khodeir, assurant qu'ils seraient munis «d'équipements qui les aideront à mieux accomplir leur mission». Sur le plan diplomatique, le Premier ministre britannique David Cameron s'est dit prêt à «soumettre une nouvelle résolution» au Conseil de sécurité de l'ONU pour condamner la répression, qui serait «basée sur ce que dit et fait la Ligue arabe». Il a mis au défi -- sans les nommer -- les Russes, «s'ils veulent bloquer une telle résolution, d'expliquer (...) pourquoi ils sont prêts à assister à ce terrible bain de sang». La Russie, qui s'est opposée à toute résolution condamnant Damas, a proposé son propre projet de résolution. Mais le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Guennadi Gatilov, a critiqué les amendements occidentaux, estimant qu'ils avaient pour but de procéder à un changement de régime. Un navire russe transportant une «cargaison dangereuse» était d'ailleurs vendredi en route vers la Syrie, selon une source au sein de la compagnie d'exploitation du bateau. D'après des médias russes, il pourrait transporter jusqu'à 60 tonnes d'armes et d'équipement militaire. Le navire avait dû faire escale à Chypre pour faire le plein, et les autorités chypriotes l'avaient laissé repartir après avoir reçu des assurances de ses propriétaires qu'il ne se rendrait pas en Syrie. Les Etats-Unis ont fait part de leur «inquiétude à la Russie et à Chypre», rappelant que l'administration américaine avait multiplié les appels en direction des pays continuant à vendre ou fournir des armes à la Syrie afin qu'ils cessent ces activités. Selon une estimation de l'ONU en décembre, la répression a fait plus de 5.000 morts en Syrie, et un responsable des Nations Unies a mentionné mardi un bilan de 400 morts depuis l'arrivée des observateurs.