Après le départ de Charfi, les directeurs centraux du ministère de la Justice ont tous été remplacés. Le récent remaniement ministériel destiné à recentrer l'action du gouvernement et qui a coûté leur poste à tous les ministres FLN pro-Benflis cache mal des visées électoralistes. Un état de fait somme toute compréhensible en pareille situation, n'était-ce certaines pratiques qui amènent à se poser de nombreuses questions. En effet, L'Expression a appris de sources sûres que la veille du remaniement, un mouvement dans le corps des magistrats devait intervenir. Or, selon nos sources, c'est le chef du gouvernement en personne qui a mis le coude sur le projet, quelques jours seulement avant le départ de l'ancien ministre de la Justice, Mohamed Charfi, qui, sitôt congédié, a vu sa liste jetée à la poubelle et remplacée par une autre qui sera rendue publique dans un avenir proche. Plus encore, on affirme que les directeurs centraux du ministère de la Justice ont tous été remplacés. Ce qui fait dire à un cadre de l'institution que «Ouyahia a pratiqué un véritable nettoyage au sein du ministère». Ce coup de balai intervient, faut-il le souligner, dans une conjoncture politique particulière où la prochaine échéance électorale occupe tous les esprits. Intervenant dans le processus de validation de tout scrutin, l'institution judiciaire semble être un centre d'intérêt majeur du pouvoir qui entend mener à bien le prochain combat politique, sans souffrir d'interférences d'aucune sorte. A ce propos, l'éviction de Mohamed Charfi, un proche de Benflis, et la remise en cause du mouvement des magistrats, témoignent de l'importance stratégique de ce corps dans le processus électoral. Le geste d'Ouyahia peut être doublement interprété: soit qu'il ait eu l'intention d'écarter certains magistrats «sympathisants» de l'ancien chef du gouvernement, soit au contraire, qu'il ait voulu «baliser» la voix au président de la République. Cela dit, dans les deux cas, il y a lieu de faire un constat peu reluisant de la place effective de la justice dans l'esprit des hommes politiques algériens. Simple instrument de validation d'une décision politique, la justice passe pour être le maillon faible de la République. Cela dit, il est clair que la reprise en main du ministère de la Justice par la chefferie du gouvernement, «met en veilleuse les velléités de réformer la justice vers plus d'indépendance vis-à-vis du pouvoir exécutif et la place manifestement dans le giron du pouvoir pour un certain temps encore», relève un observateur averti de la scène politique nationale. En tout état de cause, il y a lieu de signaler que les luttes politiques pour le pouvoir déteignent fortement sur un secteur sensible. Enfin, l'opinion publique sait désormais à quoi s'en tenir, au sens que le prochain mouvement, même s'il entre formellement dans le cadre normal de la vie de l'institution judiciaire, n'en a pas moins une forte odeur électorale.