Le récent remaniement cache mal les visées électoralistes du Président. Après les zaouïas desquelles il avait tenté de décrocher la bénédiction, les jeunes chômeurs auxquels il a promis une centaine de locaux commerciaux par commune chaque année et les clins d'oeil du côté des étudiants et les à qui il a promis la révision du code de la famille, voilà que le président-candidat à sa propre succession tente de mettre sous sa coupe les magistrats du fait que la justice intervient directement dans la validation de tout scrutin. Un état de fait, somme toute, normal et légitime en pareille situation, d'autant que le scrutin présidentiel approche à grands pas, n'étaient-ce certaines pratiques qui amènent à poser de nombreuses questions. La première et la plus pertinente, résumant à elle seule la situation, consiste à savoir pourquoi ce changement a lieu maintenant à une semaine du verdict que doit rendre la justice dans l'affaire opposant les pro-Benflis aux puschistes soutenus par le président de la République. Pour rappel, après avoir été interdit de tenir son congrès, le FLN a été rétabli dans ses droits par le conseil de l'Etat au grand dam des pro-Bouteflika qui ne s'attendaient pas à être déboutés de la sorte. En effet, la décision du conseil d'Etat de casser l'arrêt en référé rendu le 1er octobre par la chambre administrative près la cour d'Alger, a été ressentie comme un coup de tonnerre par le microcosme politique national. Une décision qui a ébranlé les «redresseurs» qui ont vu leurs rangs se dégarnir à vu d'oeil. En outre, la dernière sortie médiatique du président du syndicat national de la magistrature, Ras El-Aïn, dénonçant les pratiques sournoises, n'a pas été du goût des décideurs qui ont décidé de le limoger et de le remplacer par Djamel Aïdouni, celui-là même, qui avait dénoncé l'utilisation du SNM à des fins politiciennes lors de la conférence de presse animée par Ras El-Aïn. En outre, la date choisie par le président de la République n'est guère fortuite. Ce mouvement dans le corps de la magistrature était, certes, prévu et promis depuis longtemps par le président de la République, mais a dû être reporté à plusieurs reprises. Or, certaines informations laissent croire que c'est le Chef du gouvernement, Ahmed Ouyahia, qui avait bloqué ces changements en mettant sous le projet le coude, quelques jours avant le départ de l'ancien ministre de la Justice, Mohamed Charfi, qui, sitôt congédié, a vu sa liste jetée à la poubelle et remplacée par une nouvelle. Mieux encore, ces mêmes sources laissent croire que plusieurs directeurs centraux du ministère de la Justice ont été remplacés. En plus, le contexte dans lequel il intervient le rend étrange aux yeux des observateurs les plus avertis et ne laisse aucunement penser à la concrétisation d'un engagement qui avait alimenté largement les discours démagogiques et populistes de Abdelaziz Bouteflika. En effet, ce mouvement intervient dans un contexte politique particulier qui a vu cette même justice instrumentalisée à des fins personnelles dans le cadre des attaques contre le FLN et le harcèlement contre la presse indépendante. Ce coup de balai intervient, faut-il le souligner, dans une conjoncture politique particulière où la prochaine échéance électorale occupe tous les esprits. Intervenant dans le processus de validation de tout scrutin, l'institution judiciaire est au centre des intérêts majeurs du pouvoir qui entend bien mener le combat politique sans souffrir de la moindre interférence. C'est dans ce sens que le président-candidat serait tenté de briser la stricte partialité des magistrats; leur obéissance à la chancellerie, tout comme la punition des récalcitrants sont organisées par un autre décret. Il avait profondément remanié la composante et les prérogatives du Conseil supérieur de la magistrature par rapport à la loi de 1989. majoritaires jusqu'à 1992, les magistrats élus sont, depuis, en minorité au sein du CSM, qui n'eut décidé seul de la titularisation, des mutations et du déroulement de carrière des magistrats. Tous ces pouvoirs, qui avaient initié une réelle indépendance de la justice, sont depuis lors, aux mains de l'Exécutif.