Plus le cinquantenaire de l'indépendance de l'Algérie approche, plus les autorités françaises deviennent fébriles, acariâtres et retives. Ainsi, cinquante ans après la fin de la guerre, l'Algérie continue de susciter passion et traumatisme en France. De quoi les autorités françaises ont-elles peur? Ou plutôt que veulent-elles cacher? Longtemps ignorés, les travaux historiques et mémoriels, sur la Guerre d'Algérie, n'en constituent pas moins un abcès de fixation autant pour les autorités françaises - qui ne veulent pas apurer leur compte avec cet acte de pouvoir - que pour les chercheurs - qui tentent de cerner les tenants et aboutissants d'une guerre qui n'a pas (encore) livré tous ses secrets. Dans ce contexte, on apprend que les responsables des Archives de France ont censuré un article du professeur Guy Perville (enseignant à l'université de Toulouse), sur la Guerre d'Algérie. Ce qui est navrant à relever est que cet article, entrant dans le cadre de la célébration en France de ce cinquantenaire, a été commandé... par le gouvernement français et devait figurer dans l'édition 2012 des Commémorations nationales. Or, le texte, à l'évidence, ne répondait pas à l'idée que la France se faisait d'une guerre «sans nom», longtemps confinée par Paris dans la rubrique «évènements d'Algérie». Pourtant, Guy Perville, outre ses qualités d'historien, est l'un des annalistes français qui connaît le mieux les fondements de la Guerre d'Algérie sur laquelle il écrivit plusieurs ouvrages. M.Perville eut d'ailleurs à s'interroger sur l'absence de commémoration en France de cette guerre que les autorités de Paris ont refusé, refusent, de qualifier et d'identifier. Et l'historien de se demander: «Existe-t-il une politique de la mémoire et une politique de l'histoire de la Guerre d'Algérie en France?» Questionnement auquel il répond lui-même et assène: «Pendant longtemps, cette question appelait une réponse négative, parce que la France était caractérisée par l'absence de mémoire officielle et de statut officiel de la recherche historique sur cette guerre; ce qui la distinguait très nettement de l'Algérie, où la commémoration de la «guerre de Libération» et l'écriture de son histoire étaient et restent considérées par l'Etat comme des enjeux politiques majeurs. Ce qui ne veut pas dire que la mémoire et l'histoire de la Guerre d'Algérie étaient dépourvues d'enjeux politiques en France (....)». Le fait est que jusqu'en 1999 «la Guerre d'Algérie était, en France, une guerre sans nom, sans commémoration ni signification». Aussi, il y a lieu d'être perplexe sur la demande faite à un historien, dont la position sur cette question est tranchée, de rédiger un texte sur cette guerre. D'ailleurs, plus attristé qu'indigné, le professeur Perville relève que c'est la première fois, en quarante ans de carrière, qu'un de ses textes subit les foudres de la censure. Justifiant celle-ci, le président du département des Archives françaises, Hervé Lemoine, explique avoir été «contraint à censurer» le texte, parce que, selon lui, la Guerre d'Algérie constitue toujours une question «sensible» qui suscite encore la passion en France. Voyons! Le fait est que la France refuse toujours d'affronter frontalement les crimes commis en son nom en Algérie par les colons et l'armée d'occupation. Une France qui, tout en votant une loi sanctionnant la négation du «génocide arménien» refuse d'admettre son propre génocide à l'encontre des Algériens tout au long de ses 132 années de présence en Algérie. Comme l'incroyable Kouchner qui, tout en refusant le terme de «génocide» admet qu'il y a eu «des massacres de dimension exceptionnelle» en Algérie. Ah??? C'est donc ça, la France «civilisatrice» venue «enseigner» le savoir aux «arriérés» qu'elle prétendait que nous étions? La France officielle a beau censurer, mais la vérité finira par remonter à la surface et montrer au monde que les «barbares» n'étaient pas ceux que l'on pensait.