Dans un bilan provisoire sur les révoltes dans le Monde arabe, dressé par Sophie Bessis, chercheuse associée à l'Iris, Institut des relations internationales et stratégiques et spécialiste de la coopération Nord/Sud, de la géopolitique du Tiers-monde et des questions africaines, l'historienne revient lors d'une conférence organisée dimanche à l'Institut français de Constantine sur les principaux facteurs des soulèvements dans le Monde arabe. Si, sur le plan économique son analyse est pertinente, elle est néanmoins porteuse de marques de naïveté sur le plan politique, géopolitique et géostratégique, notamment quand il s'agit d'aborder le contexte en Syrie. Ignorant le fait que l'opposition dans ce pays est armée, le rapport des observateurs de la Ligue arabe, qui confirme l'existence de groupes armés qui sèment la violence dans certaines régions à Damas, Homs et Draâ et les attentats kamikazes ayant ciblé les forces de sécurité et la population, la conférencière soutient dans cet exposé que le soulèvement en Syrie est identique à celui de la Tunisie, de l'Egypte et de la Libye reconnaissant, cependant quelques différences dans le fond politique. A l'exception de la Tunisie et l'Egypte, où les révoltes ont été propres, en Libye l'opposition représentée par le CNT a été soutenue par une intervention militaire étrangère d'une quinzaine de pays occidentaux et arabes, liguée par la suite à l'Otan, qui, en mettant fin à la vie du leader libyen Mouamar El Gueddafi, plongera le pays dans le chaos. En Syrie, où la révolte est loin d'être pacifique, l'enjeu est beaucoup plus compliqué et l'historienne le reconnaît quand elle parle de l'axe Iran, Syrie et Hezbollah, qui n'est pas dans l'intérêt d'Israël. Tout stratège averti, n'ignore pas qu'en frappant le coeur de cet axe qui est la Syrie, l'Iran sera complètement isolé du monde arabo-musulman et le Hezbollah perd son soutient direct. Si Sophie Bessis a une vision très lucide et éclairée sur les événements des révoltes ayant secoué la Tunisie, son pays d'origine, sur lesquels elle revient avec beaucoup de précisions, sur ceux de la Syrie, elle note superficiellement des informations, rapportées par la presse occidentale, que tout le monde sait. Elle s'est lancée dans une campagne de désinformation au profit d'une partie aidée également par les pays du Golfe, en particulier le Qatar et l'Arabie Saoudite. Sophie Bessis donne par exemple le chiffre de 6000 morts en Syrie, sans pour autant préciser que beaucoup parmi ces morts étaient des militaires et des policiers. La conférencière notera aussi à propos du Qatar et de l'Arabie Saoudite, que ce sont des pays qui s'activent à limiter l'influence démocratique dans la région et réduire les mouvements chiites. Pour conclure, pour Sophie Bessis, les révoltes dans le Monde arabe ont certes des points communs pour instaurer une justice sociale et politique, du fait qu'elles réclament des changements de régime, mais aussi des divergences stratégiques dans l'intérêt de certains.