Cette tranche de la population «revendique la légitimité d'acquérir un logement et menace de recourir à la protesta». Dans la plupart des camps de toile, les sinistrés auxquels se sont joints des cas sociaux, ont manifesté leur désarroi et leur crainte «d'être jetés dehors ou ignorés par les autorités locales». L'interconnexion du social avec le sinistre risque, au vu de la conjoncture, de constituer un casse-tête chinois pour les autorités. C'est à juste titre que bon nombre d'observateurs «ont du mal à faire la distinction entre les sinistrés du séisme et ceux du système». En dépit de la lourde tâche à laquelle elles se sont dévouées, les autorités devraient prendre en considération le fait que «même si les familles ne sont pas sinistrées du séisme, elles le sont de la part du système, d'où l'obligation de ne pas les mépriser». Partant de là, les autorités pourraient «être confrontées à des mouvements de protesta qui risquent d'avoir des conséquences graves». Ignorer les cas sociaux sous prétexte «d'absence de documents justificatifs» s'apparente à une tentative de «diluer les tares du système dans un drame naturel». Se peut-il que des citoyens qui logeaient sous contrat avec des privés ou au noir ou alors occupant les lieux depuis l'indépendance soient déchus de leurs droits à un toit décent? Qu'adviendra-t-il de ces familles qui, quand bien même leurs habitations auraient subi des restaurations, ont été refusées par leurs propriétaires légitimes? La plupart des observateurs s'interrogent sur les raisons qui poussent les autorités «à axer leurs efforts sur les centres urbains au détriment de certains autres endroits», pourtant, très éprouvés par le séisme mais aussi par la dégradation sociale. Le cas du relogement de 140 familles sinistrées de Sidi M'hamed, qui viennent s'ajouter aux 170 autres, est «un indice révélateur de la volonté des pouvoirs publics à désengorger les centres urbains et spécialement la capitale». Jeudi dernier, la ville de Rouiba a connu un mouvement de protestation populaire qui aurait pu tourner au drame. En fait, nous dit-on sur place, «les propriétaires domaniaux se sont vu lésés et méprisés à la suite du séisme». Le wali délégué, qui apparemment est dépassé par le nombre effarant de doléances, n'a rien trouvé de mieux à proposer aux manifestants «qu'une indemnisation qui varie entre 20.000 et 40.000 dinars avec la promesse d'être perçue avant le mois de Ramadan». Une proposition qui n'a pas été à la convenance des protestataires et que le wali délégué a réitéré à l'adresse d'un grand nombre de familles à travers les camps de toile implantés sur sa daïra. A Aïn Taya, Boumerdès et dans toutes les zones touchées par le séisme, les familles «jugées illégitimes à l'octroi de logements» s'agitent au vu des opérations de relogement des sinistrés. «Si l'Etat nous méprise, nous sortirons occuper la rue pour protester tant il est vrai que nous n'avons plus rien à perdre» lancent la plupart des cas «sociaux-sinistrés». Au moment où nous mettons sous presse, un citoyen nous informe par téléphone qu'«un important dispositif de sécurité s'est présenté le site de Haï Gualloul (Bordj El Bahri) pour sommer des dizaines de familles de quitter les tentes manu militari». «Nous ne quitterons pas les lieux même au prix de nos vies», nous ont déclaré la plupart des familles concernées par «les intentions des autorités». La tension monte en divers endroits. L'option de récupération de ces foyers de tension par certains milieux politiques à des fins électoralistes risque d'«aggraver la situation déjà fragilisée par les gesticulations de certains cercles politiques».