«Nous sommes présents dans les 48 wilayas sans aucun problème» Depuis presque 10 ans, l'Union pour la démocratie et la République (UDR) est en attente d'agrément. A la faveur des révolutions dans les pays de l'Afrique du Nord et du Moyen-Orient, ce parti l'aura peut-être dans moins de deux mois. Son fondateur, Amara Benyounès, se prépare, avec le peu de temps qui le sépare des législatives du 10 mai prochain, à l'introduire dans les travées de l'APN. Dans cet entretien qu'il nous a accordé au siège de son parti, sis 53 Coopérative des médecins à Ben Aknoun, il parle du congrès constitutif de sa formation qui se tient ce week-end, du risque islamiste, du pôle démocratique et de bien d'autres questions. L'Expression: Le processus de la première phase des réformes politiques vient d'être achevé avec la publication au Journal officiel des lois y afférentes. Quelles sont vos appréciations? Amara Benyounès: Tout d'abord, il y a eu beaucoup de temps qui a été perdu depuis le discours du Président Bouteflika du 15 avril et l'adoption et la promulgation de ces lois. Beaucoup de mois sont passés, des mois qui nous pénalisent énormément en tant que parti politique nouvellement créé. Nous allons tenir notre congrès constitutif à moins de trois mois des élections législatives. Donc il faudra juste après attendre l'agrément du ministère de l'Intérieur et des Collectivités locales. En tant que nouvelle formation politique, ce retard dans la promulgation des lois nous a énormément pénalisés parce que depuis le mois d'avril, les lois pouvaient être adoptées avant, ça nous aurait laissé quand même sept à huit mois pour pouvoir aller aux prochaines élections. Nous sommes obligés d'y aller dans un délai de moins de trois mois. Nous allons nous adapter à ce calendrier qui nous est imposé par la loi. Votre parti tiendra dans quelques jours son congrès constitutif et les législatives auront lieu dans moins de trois mois. Comment allez- vous les aborder étant donné que vous estimez que ce temps est pratiquement insuffisant? Oui, le temps est très largement insuffisant mais nous sommes obligés de nous adapter. Le congrès, on va le tenir vendredi et samedi 17 et 18 février à Alger, nous allons sortir avec une nouvelle direction, de nouveaux textes, et juste après, nous allons entamer la confection des listes électorales sur l'ensemble du territoire national pour pouvoir immédiatement nous lancer dans la campagne électorale. Le temps est extrêmement restreint mais nous n'avons pas d'autre choix que de participer malgré tous ces inconvénients qui sont très largement hors de notre volonté politique. Et si vous voulez, c'est ça l'Algérie, tout se fait dans la précipitation. Pouvez-vous nous parler de la composante de votre parti et de sa situation organique? Nous sommes en train d'établir les listes sur l'ensemble du territoire national. Nous allons avoir normalement, mais tout cela dépend des intempéries, on espère que le week-end prochain, il ne fera pas trop mauvais, mais si la situation se passe bien, les 48 wilayas plus notre communauté algérienne établie à l'étranger assisteront à ce congrès. Nous sommes présents dans les 48 wilayas sans aucun problème. Pour la transparence des élections, le pouvoir a donné quelques garanties qui sont contestées par certains partis de l'opposition. A l'UDR, pense-t-on que ces garanties sont suffisantes? Vous savez, il n'y a jamais de garanties suffisantes dans aucun pays au monde et dans aucune élection. Seulement, c'est aux partis politiques et aux candidats de se battre pour qu'il n'y ait pas de fraude électorale; de se battre pour imposer la transparence de ces élections. Le président de la République a rappelé un certain nombre de garanties qui existent déjà dans la loi algérienne, ces garanties sont importantes, mais elles ne sont pas suffisantes. Le fait que la présidence de la Commission de supervision des élections soit confiée à des magistrats et non plus à l'administration, ne signifie absolument rien en termes de plus de transparence par rapport à la gestion de ces élections. Moi je pense qu'il y a deux manières de vraiment éviter la fraude électorale. La première c'est qu'il faut que l'ensemble des citoyens algériens aillent voter massivement. Plus le taux de participation est important, moins la fraude sera importante. La seconde est que les partis politiques qui participent à cette élection, tous courants politiques confondus, créent une coordination nationale pour la surveillance des élections. Parce que le problème qui se pose pour nous, c'est que nous avons entre les bureaux de vote et les centres de vote, à peu près, 60.000 militants à réquisitionner. Aucun parti politique, à ma connaissance, ne peut disposer de 60.000 militants actuellement répartis sur les 1541 communes et sur l'ensemble des bureaux et cen-tres de vote. Donc, il faut qu'il y ait cette coordination de partis politiques, si ces partis politiques sont réellement intéressés par la transparence des élections. Tous les partis politiques sont censés surveiller et protéger les urnes. Le pouvoir vient de prendre certaines mesures comme l'agrément des nouveaux partis et l'augmentation du nombre de sièges de l'APN. Ne pensez-vous pas qu'à travers ces mesures, le pouvoir veut reconduire le statu quo en distribuant les nouveaux sièges aux nouveaux partis et veiller à ce que rien ne change? Non! vous savez, c'est une augmentation tout à fait naturelle et tout à fait normale. Le principe de base ici en Algérie, en termes de répartition des sièges et d'attribution du nombre de sièges aux wilayas, dépend du nombre d'habitants de cette wilaya. La population algérienne augmente, c'est dire qu'il est tout à fait naturel que le nombre des sièges de l'APN augmente. Cela aurait été gênant et dangereux, si on avait touché au mode de scrutin qui reste le même, c'est-à-dire scrutin de listes proportionnelles dans la wilaya. Je ne vois pas comment les nouveaux sièges pourront être attribués à tel ou tel parti politique. Mais maintenant, que le pouvoir vise à rester au pouvoir, c'est une chose tout à fait normale. Dans tous les pays du monde, les pouvoirs centraux visent à se maintenir. Mais justement, notre rôle à nous, c'est de faire une bonne campagne électorale pour inciter les Algériens à voter en faveur de notre projet et prendre après, la majorité au sein de l'Assemblée nationale. Ne pensez-vous pas que le système de quotas est en marche? Non, franchement je ne suis pas persuadé que le système de quotas soit en marche. Et le système de quotas renvoie toujours au problème de la fraude électorale; et à propos de cette pratique, je dis toujours la même chose: pour l'éviter il faut qu'il y ait le maximum d'Algériens qui aillent voter. Si dans un bureau de vote, vous avez 160 votants, s'il y a 140 ou 145 personnes qui votent, il est pratiquement impossible de trafiquer les élections. S'il n'y en a que 10 qui votent, là il peut y avoir de la trituration, de la manipulation. Donc, l'antidote contre la fraude électorale et contre le système de quotas, c'est vraiment la participation massive des Algériens à ces élections. Ça vous dit quoi, M.Benyounès, le risque islamiste? C'est un risque sérieux qu'il ne faut pas sous-estimer et qu'il ne faut surtout pas surestimer. Nous les entendons actuellement, d'ailleurs, j'interpelle officiellement les pouvoirs publics, quand on entend les leaders de cette mouvance, ils sont plus des imams que des responsables politiques. Ils font plus de discours religieux que de discours politiques. Et là, ils sont en train de violer quotidiennement la Constitution et les lois du pays. La Loi fondamentale interdit expressément l'utilisation de la religion à des fins politiques. Et si les Algériens aussi votent massivement, c'est un courant politique qui n'a aucune chance de gagner ces élections. Mais s'il y a un fort taux d'abstention, connaissant qu'à l'intérieur de ce courant politique, l'ensemble de ses militants se déplaceront aux urnes, qu'il neige, qu'il vente ou qu'il y ait séisme, il y a de fortes chances qu'il gagne. S'il y a donc un fort taux de participation, il est exclu que ce courant gagne en Algérie. Pourquoi, à votre avis, l'opposition algérienne en général et les démocrates en particulier, n'arrivent pas à s'unir autour d'un smig démocratique pour présenter une alternative commune aux Algériens? Vous savez, le pôle démocratique tel qu'on l'a défini, tel qu'on en parle depuis des années, est une Arlésienne. Moi, je ne crois pas du tout qu'avec les anciens partis politiques qui existent sur la scène politique dans la mouvance des démocrates, on puisse un jour arriver à un pôle démocratique. Ce sont des partis politiques qui ne se sont jamais rassemblés, cela dure depuis 22 ans, et je ne suis pas persuadé qu'ils aillent dépasser leurs querelles pour pouvoir se retrouver. Nous avons un monde nouveau, il faut une Algérie nouvelle, et dans cette Algérie nouvelle, il faut des partis politiques nouveaux, il faut des pratiques politiques nouvelles, il faut des hommes et des femmes nouvelles sur la scène politique, il faut des instruments nouveaux, et c'est avec cela que nous pouvons bâtir une nouvelle réflexion, une nouvelle approche par rapport à la construction d'un pôle démocratique. Il doit se faire autour d'un projet politique, pas autour d'un homme, ni d'ailleurs contre un homme. Le jour où on mettra d'abord nos idées en valeur, en première ligne, ce jour-là, on aura fait un grand pas. Mais, jusqu'à présent, les responsables des partis politiques de la mouvance démocratique ont plus cherché des ralliés que des alliés. Nous, nous cherchons des alliés, nous ne cherchons pas à rallier les autres partis politiques à notre démarche. Le jour où ils arrêteront de chercher des ralliés mais plutôt des alliés, ce jour-là, le pôle démocratique avancera.