L'évolution de la situation à Béjaïa inquiète présentement à plus d'un titre Les rares sorties des politiques mettent l'accent sur les appels à la raison mais point de propositions de solutions. Les mauvaises conditions de travail et le cadre de vie, qui ne cesse de se dégrader, continuent à être source de colère citoyenne. Hier, plusieurs actions de protestation ont été initiées à El Kseur, Kherrata, Aït R'zine pour soulever des revendications liées aux insuffisances qui minent leur quotidien. Pour une histoire de plan de circulation, élaboré à la commande par un bureau d'études, les transporteurs de la ville d'El Kseur n'ont pas trouvé mieux que de fermer la RN 12 à l'entrée de la ville. Ils ont revendiqué la révision du plan. 18 transporteurs de la commune exploitant la ligne desservant le chef-lieu de wilaya ont bloqué toute une activité économique juste pour exiger le retour à l'ancien plan. Il en est de même pour la suppression des panneaux des «sens interdits» placés dans certains endroits les empêchant d'emprunter certaines rues. Pour le président d'APC, le plan a été adopté après plusieurs réunions avec les autorités concernés et l'accord des protestataires. «C'est un plan qui prend en considération le désengorgement de la circulation dans la ville», a-t-il déclaré sur les ondes de la Radio Soummam. La route a été rouverte à la circulation après quelques heures de fermeture. Dans les communes de Kherrata et Draâ El Gaïd, la même corporation qui assure la liaison vers les douars Adjiouènes, Takliaât, Rahami ont observé une grève hier pour protester contre l'état du chemin de wilaya N° 32. Un chemin devenu impraticable selon eux. Une délégation dégagée par les 50 transporteurs grévistes a été chargée de rencontrer le chef de daïra et le président de l'APC pour leur transmettre leur revendication. Pour leur part, les 120 bénéficiaires des lots de terrain du lotissement dit «Akhal Avarkhane» d'El-Kseur ont fermé les sièges respectifs de l'APC et de la daïra pour exiger des actes de propriété pour pouvoir commencer la construction. Ces derniers avaient bénéficié de ces lots depuis 17 ans mais restés sans régularisation. Ils demandent la délivrance des actes de propriété en s'appuyant sur le permis de lotir signé sans aucune réserve. Sans ce fameux document, les bénéficiaires sont dans l'impossibilité d'entreprendre quoi que ce soit. Une réunion était prévue pour hier mais elle a été annulée faute de la présence de certaines autorités des secteurs concernés au niveau de la wilaya en raison de la fermeture de la Route nationale 12.Elle a été «reportée» pour aujourd'hui, croit-on savoir. Pour leur part, les populations du douar Aourir Chdida dans la commune d'Aït R'zine (daïra d'Ighil Ali) ont fermé hier le siège de leur municipalité pour réclamer la poursuite de la réalisation du projet de voirie à l'arrêt depuis deux ans, le raccordement du village en eau potable et le revêtement des routes. «Ces projets sont inscrits dans le cadre des programmes sectoriel et communal», a indiqué hier le président de l'APC. Plus de 13 milliards de centimes ont été débloqués au profit de la commune pour l'aménagement des chemins communaux de la wilaya, a-t-il précisé. A Béjaïa, c'est devenu à la mode de protester en fermant les routes. Les bouchers, les producteurs et vendeurs de boissons alcoolisées, les travailleurs et les citoyens, toutes les colères débordent sur la voie publique. Les interventions des responsables concernés dénotent la perplexité face à l'évolution de la situation. S'agit-il d'un aveu d'échec ou d'une complexité de la situation. Si tout le monde s'accorde à dire que quelque chose ne va pas, ils sont cependant plutôt rares ceux qui avancent des solutions, exception faite de celle du dialogue, encore moins cibler les responsables. Si l'inquiétude est partagée on a cependant l'impression que tout le monde se garde de se faire un ennemi. L'évolution de la situation à Béjaïa inquiète présentement à plus d'un titre. Si cette inquiétude ne date pas d'aujourd'hui, il n'en demeure pas moins que la situation ne fait qu'aller de mal en pis. Il faut donc des solutions. Les opérateurs économiques, qui étaient les premiers à marquer leur désapprobation par rapport à cette manière de faire et ce qu'elle induit en matière de perte aux entreprises, au port, bref à l'économie locale, allant même pour ce qui concerne les responsable de l'entreprise portuaire à annoncer la délocalisation de certains importateurs et cumuler des pertes, pensant que l'unique solution réside en la prise en charge efficace des doléances des citoyens. Le mouvement associatif n'est pas en reste. Les rares sorties des politiques ont versé plus dans les appels à la raison, qui restent certes importants, mais point de propositions de solutions. On se contente tout juste de reconnaître la légitimité des revendications sans donner le moindre signe à même de laisser penser à une ébauche de dénouement. Le chef de l'exécutif, qui avait adopté une démarche empreinte d'indifférence, a vite fait de reconnaître que cela devient assez sérieux. Il le fait lorsqu'il constate le nombre de manifestations enregistrées avec pour conséquence autant de jours d'activités perdues. Les multiples appels à mettre fin à cette manière de protestation sont restés sans écho. Bien au contraire, les mouvements sociaux ont pris de l'ampleur. Les interventions des mem-bres de l'exécutif et des élus locaux, qui, eux aussi, subissent le mécontentement dont certains sont en partie responsables, ont connu le même sort. Il faut se rendre à l'évidence que la population a besoin plutôt de concret que de propos. En d'autres termes, il est temps pour tous les responsables de s'engager dans le concret, comme le pense Hocini Abdelkader, président de la CCI-Soummam: «Que chacun prenne ses responsabilités!», tonne ce même ex-président de la CAP de Béjaïa. Il est bien placé pour analyser les problèmes et proposer des solutions. Si les manifestations ne sont pas propres à Béjaïa, il reste que leur récurrence la singularise des autres régions, estime le députe Meziane Belkacem qui en appelle à l'anticipation dans la prise en charge des préoccupations des citoyens. Au FLN, on se contente de commentaires. La mouhafadha a, tout en reconnaissant la légitimité des revendications, préconisé un large rassemblement de toutes les parties concernées avec le wali pour faire face à l'urgence. Elle ne manquera pas, comme de coutume, de cibler l'opposition qui, dit-elle, manipule pour garder la mainmise sur la région. Pour elle, les opérateurs économiques y sont pour beaucoup en maintenant l'hégémonie sur la région. Même son de cloche chez le RND, l'autre parti de l'Alliance présidentielle. Au RCD et au FFS on ne s'étonne guère de l'accusation de l'administration, ce qui est en partie vrai. Mes ces parties oublient qu'elles sont majoritairement aux commandes. Que peut faire un maire lorsque tout est centralisé, répondent-elles. La situation est critique à Béjaïa. Elle l'est aussi bien pour la population que pour ceux qui la gèrent. Au retard accumulé depuis des années, s'ajoute l'absence de communication entre les deux parties qui donnent l'impression de se regarder en chiens de faïence. Jusqu'à quand durera cette situation ?