Le «lâchage» définitif du FLN pousse le p résident à jouer la carte islamiste pour s'assurer un second mandat. Les observateurs sont formels. Bouteflika profiterait de son séjour à Kuala Lumpur, capitale de la Malaisie, pour rencontrer discrètement l'ancien numéro un du FIS-dissous. Mieux, il semble que rien n'a été laissé au hasard dans cette entreprise durant laquelle le chef de l'Etat joue gros en faveur de sa réélection à la magistrature suprême. La rencontre aurait lieu, croit-on savoir, à l'abri de tout regard indiscret, dans une résidence particulière, sous la protection des autorités locales qui avait accepté, quelques semaines auparavant, un hôte aussi encombrant qu'Abassi Madani. Les choses deviennent en effet très claires aux yeux des observateurs avertis. Il semble que le chef d'Etat, qui a partie liée avec la sortie d'Abassi Madani du territoire national pour des raisons de soins, a choisi exprès la destination malaisienne, sachant pertinemment devoir s'y rendre à son tour environ deux mois plus tard. S'il était seulement question de soins, comme le précise l'explication officielle, il eut été plus «logique» d'envoyer Abassi Madani dans un des pays du Golfe, qui recèlent des hôpitaux ultra-modernes, avec lesquels l'Algérie entretient des conventions claires, ou bien dans un Etat européen quelconque. Le choix de ce pays avec lequel l'Algérie n'entretient pratiquement aucun rapport économique et encore moins sanitaire, avait de quoi laisser perplexe avant que ne tombe l'explication. Il ne faut pas perdre de vue, dans le propos, le fait que le leader du parti dissous a tout fait pour se faire remarquer et qu'il se trouve à Kuala Lumpur pour une tout autre raison, hormis celle des soins dont il était question. Il a multiplié les sorties publiques dans les médias les plus regardés par les Algériens alors qu'il en est interdit par une décision de justice prise à son encontre le jour-même de la levée de sa résidence surveillée. Interpellé à ce propos, le ministre de l'Intérieur avait éludé la question, estimant que «ces déclarations, faites à partir de l'étranger, étaient sans effet sur la société algérienne». Une réponse loin d'être convaincante puisque l'interdiction s'applique aussi bien en Algérie qu'ailleurs dans le monde, alors que la chaîne Al-Jazera sur laquelle s'est exprimé Abassi Madani est l'une des plus captées en Algérie. L'«indulgence» dont fait montre Zerhouni s'explique à la lumière des accusations très précises formulées par Khaled Nezzar qui a estimé que Bouteflika cherche à établir une «alliance» avec le mouvement islamiste dans le but de se faire réélire pour un second mandat présidentiel. Abassi Madani, dans ses sorties médiatiques, avait fait état d'un projet visant à instaurer la paix en Algérie. Il avait promis que les grands axes de cette démarche seraient rendus publics incessamment. Probablement au plus fort de la pré-campagne électorale. Or, des sources crédibles ont estimé que Bouteflika était partie prenante de ce plan, lui qui n'a pas cessé de prôner la «réconciliation nationale», dont les termes n'ont jamais été compris par le peuple, et a cherché par tous les moyens à faire entrer Hassan Hattab et son groupe terroriste sous le giron de la concorde civile. Le tandem Bouteflika-Abassi Madani, ainsi mis en place de la manière la plus informelle qui soit, aurait les coudées franches pour entrer en campagne et promettre la paix et la prospérité. La rencontre, si rencontre il y a, aura lieu quelques jours à peine avant le Ramadan et le regain de ferveur «mystique» et d'activisme politique dans les dizaines de milliers de mosquées que compte le pays. Qui a dit que le dossier FIS était clos?