L'Algérie a-t-elle une histoire dont ses fils devaient tirer fierté? Les Algériens connaissent-ils les principales séquences historiques de leur patrie? Ces interrogations, répétitives, reviennent en leitmotiv, à chaque date célébrant un anniversaire du long parcours de l'édification de notre nation. On a beau jeu d'imputer à l'enseignement de l'histoire ce déficit de connaissance du passé contemporain ou lointain du pays. Il en est ainsi de la Révolution algérienne, dont les principaux événements, qui l'ont marquée, sont méconnus de la génération post-indépendance. De là à évoquer le passé lointain de l'Algérie, c'est en fait, une gageure. Comment connaître l'Histoire d'un pays? Qui est habilité à écrire son Histoire? Questionnements légitimes qui n'ont cependant pas de réponses claires. Il est patent que l'écriture de l'Histoire relève en première et dernière analyse du chercheur, de l'historien, l'Etat n'ayant pas, à l'évidence, vocation à se substituer aux historiens dont c'est la raison d'être d'écrire annales, biographies et autres mémoires d'un pays. Il est en revanche du devoir de l'Etat de remettre à ces chercheurs tous documents et archives susceptibles de les éclairer sur des périodes - contemporaines ou passées - données du parcours historique du pays. Or, l'histoire de l'Algérie est un passé qui reste caché, l'écriture de l'Histoire de la Révolution demeurant en stand-by quand le passé de l'Algérie (amazigh, romain, turc, français) reste occulté. Ainsi, les dirigeants du pays ont eu du mal à assumer ce passé, se cramponnant à une «ourouba» qui n'est en réalité qu'une partie, l'iceberg, de l'historicité de l'Algérie. Ne dit-on pas qu'un peuple sans Histoire est un peuple sans mémoire? Le peuple algérien d'une manière générale, la génération post-indépendance en particulier, n'a pas de mémoire du passé séculaire de l'Algérie. Comment cette génération pourrait-elle se reconnaître dans les figures emblématiques qui ont forgé ce pays, alors qu'elles ont été soustraites à la connaissance de la collectivité, soit dont nous avons perdu le nom. C'est au détour d'événements tragiques qu'a vécus le pays, que la jeune génération découvre un Mohamed Boudiaf, l'un des pères de la glorieuse Révolution de Novembre. Cela se vérifie par la méconnaissance du «19 mars 1962» par les générations de l'Indépendance, au moment où l'Algérie célèbre le cinquantenaire de ce qui a été qualifié de «jour de la victoire». Or, plus on s'éloigne des dates charnières qui firent l'indépendance du pays (19 Mars 1962, 1er Novembre 1954, 08 Mai 1945, pour rester dans les époques les plus proches de nous), plus on s'aperçoit combien les nouvelles générations sont déconnectées avec le signifiant de ces jalons symbolisant la lutte et le combat du peuple algérien pour l'indépendance et la liberté. L'Histoire, qui devait enseigner aux Algériens ce qu'ont été les luttes du peuple algérien tout au long des siècles pour conserver son identité, est restée muette sur ces faits quand n'a pas été éliminé tout ce qui n'entre pas dans l'«historiquement correct» imposé. L'Histoire devenait ainsi domaine «réservé». De ce fait, l'Histoire a bon dos dès lors qu'elle ne bénéficie point de l'intérêt des autorités qui n'ont pas mis à la disposition des historiens et des enseignants les archives leur permettant de remonter le cours de notre histoire et reconstituer les principaux événements l'ayant marquée. Or, les livres de l'histoire enseignée à nos enfants sont d'une affligeante indigence concernant celle de l'Algérie d'une manière générale et de la Révolution de Novembre en particulier. Quelle réaction peut-on avoir lorsque des jeunes lycéens et lycéennes de 2012 affirment n'avoir «jamais entendu parler» du 19 mars 1962? Or, l'école, le lycée et l'université qui restent les vecteurs de connaissance irremplaçables n'ont pas joué leur rôle d'enseigner et de faire comprendre aux générations montantes la signification sociétale de l'histoire et des dates qui la jalonnent et marquent le long combat du peuple algérien pour l'indépendance et la liberté. La halte du 19 mars est justement l'un de ces jalons.