La leçon d'histoire «Il ne faut pas se tromper de combat. Nos ennemis sont clairs. Nous devons être vigilants.» La grande moudjahida et avocate Zohra Drif Bitat était l'invitée hier, du rendez-vous hebdomadaire de la parole où sa présence a drainé un nombre impressionnant de personnes, entre la ministre de la Culture, des éditeurs nationaux de livres algériens, des membres d'associations de jeunesse et autres étudiants en communication. Madame Bitat est revenue sur sa déclaration liminaire au débat organisé à Marseille par l'hebdo Marianne le premier avril (diffusé sur écran) sur le thème «Guerre d'Algérie, 50 ans après» et sa position tranchée vis-à-vis des accusations de Bernard-Henry Lévy sur le plateau sans oublier son article paru dans Le Point où il a «exulté sa haine» selon elle et «injurié le peuple algérien en s'appropriant et colonisant un débat, le manipuler et le soumettre à ses propres obsessions en n'hésitant pas à en faire un compte-rendu mensonger». Elle dénoncera aussi cette stratégie de «symétrie» à vouloir mettre sur le même pied d'égalité, oppresseur et oppressé, colonisateur et colonisé, victime et bourreau, autrement «le droit du peuple algérien à se battre avec tous les moyens et la violence inouïe du colonisateur». Et d'ajouter: «Ce papier exprime finalement le dépit et le désespoir au fond de quelqu'un qui n'arrive pas à accepter et survivre à la lutte de l'Algérie et au fond, de la voir indépendante 50 ans après». Mme Zohra Drif, qui affirmera que notre guerre «des plus terribles qu'a connues l'humanité est terminée» car ayant combattu un système et non pas des individus, relèvera clairement sa bonne conscience vis-à-vis de ce passé n'ayant aucun remords ni cauchemar à faire depuis, ou regret, ou encore de doute à avoir combattu pour le recouvrement de la souveraineté, la dignité et l'indépendance du pays, là ou BHL verra des «actes de terrorisme». Elle fera remarquer que la guerre qui a duré longtemps, de 1830 à 1962, a «nié notre qualité d'êtres humains» tout en estimant comprendre la jeune génération qui ne puisse imaginer aujourd'hui ce qu'était le peuple algérien jadis, car de l'ordre de l'inimaginable». Et de renchérir: «Quand on dit que 50 ans n'ont rien apporté c'est prendre les Algériens pour des idiots. C'est du mépris. On a récupéré notre identité, notre dignité. Mais 50 ans dans une vie d'un pays c'est rien. Aujourd'hui on est un peuple éduqué, on est bien nourri, habillé. On vit chez nous. Je suis fier de ce que nous avons fait depuis 50 ans. Oui on a des problèmes. Nous sommes là pour avancer. Ca dépend de vous. C'est notre combat».Madame Zohra Drif dira que BHL ne croyait pas ce qu'il disait mais il obéissait à «une stratégie» car il sait ce que le mot colonisateur veut dire. L'oratrice reçue comme une reine, dira avoir accepté de participer au colloque de la revue Marianne pour répondre justement à ce «consensus non déclaré» et généralisé à l'Hexagone par la plupart des colloques et journaux en France qui tendent à «déligitimer la lutte de Libération nationale», tout comme l'aurait fait BHL pour la Palestine ou la Libye. Mme Zohra Bitat s'élèvera avec sérénité contre cette forme de «haine» et de «révisionnisme clair» en proposant de lancer un contre-mouvement pour «penser le combat autrement» et ce, en s'adressant aux intellectuels afin de s'opposer à ces tentatives de nouvelles colonisations. Evoquant la Libye, la Syrie et le Mali récemment, Mme Bitat dira que «l'Occident revient avec des anciennes méthodes actualisées et une nouvelle volonté de coloniser ces pays sous de nouvelles formes. La répétition de l'Histoire est extraordinaire. Si au XIXe siècle on voulait ramener la civilisation, aujourd'hui, les problèmes de démocratie sont devenus pressants. Il ne faut pas se tromper de combat. Nos ennemis sont clairs. Nous devons être vigilants.» Aussi, l'invitée de l'Onci déplorera également le fait que certains Algériens se plaisent à soulever des problèmes internes du pays à l'étranger et dénoncera cette attitude. Enfin, à propos du reproche de BHL quant à la non-adhésion de l'Algérie au printemps arabe, Mme Zohra Drif, belle et altière du haut de ses 80 ans, dira que BHL regrette en fait que notre pays ne soit pas à feu et à sang. Or, dira-t-elle: «Notre peuple n'a cessé de combattre. Nous avons eu notre printemps berbère. Les Algériens ont combattu pour les droits de l'homme pour la liberté des femmes contre le Code de la famille et ce n'est pas le destin du peuple algérien qui l'intéresse mais il est dans une stratégie qui n'a rien à voir avec le bien de notre peuple..». La résistance pour Zohra Drif est continue.