Menacée de sanctions par l'ONU, la junte bissau-guinéenne a amorcé un recul samedi, se disant prête à revoir les modalités de la transition décidées avec l'ex-opposition au régime renversé et qui prévoit la suspension des élections pendant deux ans. Confirmant cette machine arrière, le président de transition désigné jeudi, Manuel Serifo Nhamadjo, a annoncé qu'il refusait sa nomination, considérant qu'elle sortait de la «légalité». L'«accord de transition démocratique», signé entre le Commandement militaire (junte) et les principaux partis de l'ex-opposition, a été vivement condamné d'abord par l'Afrique de l'Ouest, puis par le Conseil de sécurité de l'ONU qui a menacé samedi les putschistes et leurs «partisans» de «sanctions ciblées». Dans une déclaration, le Conseil a demandé le «rétablissement immédiat de l'ordre constitutionnel ainsi que le retour du gouvernement légitime». Sourds jusqu'ici à toute pression internationale, les militaires, qui ont pris le pouvoir le 12 avril, et les anciens opposants avaient désigné jeudi comme président de transition Manuel Serifo Nhamadjo, candidat éliminé au premier tour de la présidentielle du 18 mars. M. Nhamadjo, un dissident du parti au pouvoir, avait assuré le lendemain ne pas avoir été consulté, ni même informé de sa nomination, sans toutefois la contester explicitement. Samedi, il a finalement annoncé qu'il «n'acceptait pas cette nomination». «Je suis un défenseur de la légalité et je ne reconnais aucune institution créée en dehors de la légalité», a-t-il dit, joint par téléphone au Parlement de Bissau, dont il était le président par intérim jusqu'au coup d'Etat. Peu auparavant, le porte-parole de la junte avait déclaré que cette nomination n'était qu'une «proposition» a affirmé le lieutenant-colonel Daba Na Walna, joint après l'annonce de l'adoption par le Conseil de sécurité d'une déclaration sur la Guinée-Bissau. «Nous sommes profondément engagés à trouver, avec la Cédéao (Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest), une solution de sortie à la crise», a dit le porte-parole des putschistes. Interrogé sur le sort des dirigeants renversés, le président intérimaire Raimundo Pereira et le Premier ministre Carlos Gomes Junior dont le conseil de sécurité a exigé la libération «immédiate», M.Da Walna a réaffirmé qu' «ils seront relâchés dès que seront créées les conditions de sécurité». Interrogé sur la possibilité d'une reprise du processus électoral, interrompu par le coup d'Etat, il a jugé la question «prématurée». Le putsch du 12 avril est survenu entre les deux tours de la présidentielle, dont l'ex-chef de gouvernement Gomes Junior était le grand favori. Le 2è tour était prévu le 29 avril, mais les opposants avaient décidé de le boycotter, invoquant des «fraudes massives». M.Da Walna a assuré que «les travaux avancent bien avec la Cédéao». «Nous travaillons dur pour que le pays trouve une solution», a-t-il dit. Un sommet de chefs d'Etat ouest-africains, prévu aujourd'hui à Conakry, a pourtant été annulé en raison des «graves décisions prises par la junte» dans l'attente d'un sommet extraordinaire de la Cédéao, le 26 avril à Abidjan. La question d'une éventuelle «force de maintien de la paix» ou «mission de stabilisation» en Guinée-Bissau pourrait y être discutée. Jeudi, les pays lusophones, au premier rang desquels le Portugal et l'Angola, avaient plaidé devant le Conseil de sécurité pour l'envoi d'une force mandatée par l'ONU afin de «rétablir l'ordre constitutionnel» dans ce pays miné par une instabilité chronique et considéré comme la plaque tournante du trafic de cocaïne entre l'Amérique du Sud et l'Europe. Dans sa déclaration, le Conseil de sécurité a affirmé soutenir les efforts de la Communauté des pays lusophones, de l'Union africaine et de la Cédéao et «pris note» de leur décision d'envisager «de nouveaux moyens qui seront éventuellement nécessaires pour stabiliser le pays». Le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, devra faire rapport au Conseil d'ici au 30 avril sur l'évolution de la situation.