Trop d'argent a été dépensé en un temps court pour ne pas lier ces faits à la prochaine présidentielle. Le président Bouteflika se découvre brusquement un esprit généreux, dépensier, et à l'écoute des couches défavorisées et exclues de la société. Il s'est, pourtant, montré «avare» dans la dépense des sous de l'Etat durant les quatre premières années de sa législature contre l'avis de la plupart de ses amis, conseillers et observateurs politiques. D'importantes concessions politiques, parfois antinomiques accompagnent cette générosité financière sans précédent. Le projet de révision du code de la famille, soumis à une commission, et devant atterrir sur le bureau de l'APN avant la fin de cette année, entre dans ce cadre. S'il vise à s'allier la gente féminine, constituant la moitié de l'électorat sans la moindre garantie de résultat, il n'en menace pas moins de lui faire perdre ses appuis islamistes, qu'il a mis si longtemps à tisser, et qu'il a entrepris de renforcer ces derniers temps avec le précieux concours des zaouias. Les algériennes, qui ont à leur actif un long parcours militant et qui comptent une élite que tous les pays arabes et musulmans nous envient, risquent fort de ne pas succomber à la tentation et de tourner le dos à ce président qui se souvient brusquement d'elles à quelques six mois de l'expiration de son mandat. Un simple petit calcul mental permet de conclure que le président a dépensé en l'espace de quelques mois à peine dix fois plus d'argent qu'il ne l'a fait depuis la date de son élection. Il a, de la sorte, entamé un cycle de sorties qui le conduira dans la quasi-totalité des wilayas du pays, si l'on excepte la Kabylie, à qui une «enveloppe conséquente» a été remise...de loin. Pas moins de 6300 milliards ont ainsi été distribués alors qu'il reste près d'une trentaine de wilayas à «visiter». Le chef de l'Etat, qui tente de jouer toutes les cartes à la fois, n'hésitant pas pour ce faire à piocher profond dans les «poches» de l'Etat, a mis en branle un plan mettant à profit l'ensemble des «atouts» ou «contradictions» de la société pour s'assurer un second mandat depuis qu'il a définitivement perdu le soutien de la puissante machine électorale qu'est le FLN. Bouteflika vise les wilayas avec toutes les régions, clivages et archs qu'elles comportent, en effectuant systématiquement des crochets vers les zaouias et en recevant les chefs de tribus locales à chacune de ses sorties sur le terrain. Le président a dans la foulée visé le monde du travail en accordant une hausse significative de 2000 DA du Snmg devant entrer en vigueur dès l'année prochaine. Une enveloppe de plusieurs centaines de milliards a dû être débloquée par le projet de loi de finances 2004 pour supporter ces nouvelles charges. La loi, qui doit passer en plénière à l'APN ce dimanche, prévoit aussi de très grandes dépenses dans le cadre du gel des dettes des entreprises publiques, estimées à plus de 500 milliards de dinars, à en croire des sources syndicales. Bouteflika, en accordant des concessions qu'il s'était toujours refusé de faire auparavant, obligeant même la Centrale à débrayer pendant deux jours aux fins de contrer ses «ministres-coopérants», joue la plus importante de ses cartes, celle de l'Ugta, qui revendique 4 millions de travailleurs, et qui écrase de son poids les plus importants de nos partis politiques. Autre gigantesque vivier électoral, la jeunesse. A elle, Bouteflika a littéralement promis la lune, pour avant la fin de cette année. Une enveloppe financière que l'on ose à peine imaginer a été débloquée dans le but d' «insérer» près d'un demi-million de jeunes avant la fin de cette année. Il s'agit de la construction d'une centaine de locaux dans chaque commune en direction des projets de l'Ansej qui traîne à cause de la non-disponibilité de domicilation. Des coups forts et répétés, effectués à grands renforts de milliards. Voilà la méthode «bouteflikienne» dans sa course effrénée pour un second mandat. Ces cartes-maîtresse abattues au grand jour formeront l'ossature de sa future campagne électorale. Ses adversaires, eux, n'auront qu'à se pencher sur les quatre années passées pour trouver la parade idoine...