Les attentats de lundi à Bagdad ont été les plus sanglants depuis la fin des opérations militaires en mai dernier et l'occupation de l'Irak. Hier, en fin de matinée, une forte explosion a été signalée à Bagdad, sans que l'origine puisse en être située. Hier toujours, l'explosion d'une voiture piégée à Falloudjah, à 50 kilomètres au nord de Bagdad, près d'une école, a occasionné, selon les chiffres disponibles en début d'après- midi, la mort de six personnes, parmi lesquels des écoliers et plusieurs blessés. Le moins qui puisse être relevé est que les Irakiens vivent un début de ramadan extrêmement meurtrier. De fait, la population de Bagdad reste sous le choc des cinq attentats-suicide qui ont soulevé la capitale irakienne, laissant une cinquantaine de morts et plus de deux cents blessés. A Bagdad et ailleurs dans le monde on suppute sur les auteurs de ces attentats et chacun d'avancer des idées qui toutefois ne font qu'embrouiller la donne sécuritaire. De fait, experts et militaires se contredisent à qui mieux-mieux sans qu'ils puissent apporter ne serait-ce qu'un début de réponse à cet accès de violence en ce début du mois de jeûne et de piété. En réalité, les déclarations de militaires et politiques de la coalition américano-britannique montrent surtout que ceux-ci n'en savent pas plus que le plus profane sur cette recrudescence inopinée de la violence. Ainsi, selon le représentant britannique en Irak, Jeremy Greenstock, ancien ambassadeur de la Brande-Bretagne à l'ONU, les attentats de Bagdad portent «la marque de tactique de terroristes étrangers». Selon M.Greenstock, «Il y avait des kamikazes dans probablement tous les attentats à la bombe d'hier (lundi) à Bagdad et c'est la marque de tactiques de terroristes étrangers plutôt que d'éléments fidèles à Saddam Hussein». En fait, des supputations qui ne reposent sur rien de concret. Deux officiers américains se sont également contredits en avançant des suppositions aux antipodes. Ainsi, selon le général Raymond Odierno, basé à Tikrit, ancien fief de Saddam Hussein, les étrangers (dans ces attentats) représentent «un faible, très faible pourcentage», indiquant «Mon sentiment est que ces attentats ont été commis par d'anciens loyalistes à Saddam Hussein peut-être avec une petite coopération de personnes non-originaires d'Irak». Avis que ne partage pas le général Mark Hertling qui estime pour sa part que la participation de combattants étrangers est certaine en déclarant «Des informations montrent que ces attaques semblent l'oeuvre de combattants étrangers. Ces attaques ne sont pas similaires à ce que nous avons vu des loyalistes de l'ancien régime». Selon le général Hertling, toutefois, «la situation est plus sécurisée qu'avant et elle évolue dans le bon sens» estimant que les attaques de lundi ne «sont pas significatives. Je pense qu'il s'agit d'un travail d'amateurs». La presse irakienne très choquée, s'en prend à Ben Laden accusé de collusion avec Saddam Hussein, comme l'indique le commentateur du quotidien Ad-Destour qui écrit sous la forme de la dérision «Le célèbre homme de religion et d'affaires, le pieux Ben Laden, a offert aux Irakiens cinq explosions pour marquer le début du mois sacré du Ramadan» ajoutant «Ben Laden a renouvelé un accord (...) avec les résidus de l'ancien régime pour teinter ce mois de la couleur du sang et ajouter de nouvelles plaies à celles des Irakiens». Il apparaît cependant, de toutes ces déclarations, qu'il n'existe, pour le moment, aucun indice privilégiant l'une ou l'autre des pistes locales ou étrangères. C'est en fait la confusion dans les rangs des coalisés qui essaient de donner le change alors qu'il apparaît nettement qu'ils ne disposent d'aucun élément fiable leur permettant de se faire une image de la résistance irakienne. L'armée américaine d'occupation en Irak, qui semble manquer cruellement de données fondées sur l'opposition armée irakienne est ainsi réduite à spéculer sur la réalité du front de résistance irakien et sa véritable envergure. Après les attaques en août dernier contre le siège de l'ONU à Bagdad, lesquelles ont provoqué la mort du secrétaire général adjoint de l'ONU, Sergio Vieira de Mello, l'attaque de lundi contre le siège du Comité international de la Croix-Rouge, (Cicr), viennent, a contrario, démentir les affirmations des officiers américains selon lesquels l'armée de la coalition a la situation bien en main. Alors que la communauté internationale exhorte la Croix- Rouge internationale à poursuivre son travail en Irak, le chef de la délégation du Cicr en Irak, Pierre Gassman, a indiqué, selon le site Internet de la télévision allemande, ARD, que son organisation «commencerait dès mardi (hier) à évacuer ses collaborateurs expatriés». De New York, le secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, a fermement condamné le quintuple attentat de Bagdad, estimant que l'attaque contre le Cicr est «un crime contre l'humanité» déclarant «Tout acte terroriste, d'où qu'il vienne et quelle que soit sa justification est moralement répugnant et indéfendable» ajoutant: «Le Cicr est une organisation humanitaire universellement respectée. Sa neutralité et son impartialité sont les piliers de ses actes, L'attaque d'aujourd'hui (lundi, Ndlr) est un crime contre l'humanité». En fait, l'occupation étrangère a toujours induit ce genre de violence que, certes, la communauté internationale condamne, mais sans conséquences sur la réalité du terrain, d'autant plus que les Etats-Unis montrent bien qu'ils sont en Irak pour la durée. Aussi, de tels actes de violence ne sont pas prêts d'être réduits, au contraire tout prête à croire que la vraie guerre en Irak ne fait que commencer.