Les Tunisiens ont massivement répondu à l'appel des syndicats manifestant à plus de vingt mille au coeur de Tunis pour l'emploi, la justice sociale et l'unité nationale à l'occasion de la Fête du travail. Sur l'avenue Habib-Bourguiba - emblématique de la révolution - des Tunisiens de tout bord ont défilé en brandissant des drapeaux rouge et blanc de la Tunisie, entonnant en choeur l'hymne national. Des ballons rouges et blancs, symbolisant l'unité nationale, ont été lâchés dans le ciel bleu de Tunis sous les applaudissements d'une foule compacte. «Pain, liberté et dignité nationale» «Emploi, liberté, dignité», ont-ils scandé reprenant des slogans phares du soulèvement qui a chassé Ben Ali du pouvoir le 14 janvier 2011 après 23 ans d'un règne sans partage. «Le peuple veut l'unité nationale», «l'emploi relève de la dignité nationale», «Ni peur ni terreur, le pouvoir est aux mains du peuple», ont crié des Tunisiens rassemblés pour le plus grand nombre sous la bannière de la Centrale syndicale historique (Ugtt, Union générale des travailleurs tunisiens). «A chacun son parti, l'Ugtt pour tous», pouvait-on lire sur les banderoles flottant sur l'avenue Bourguiba, située en plein coeur de la capitale. La direction de cette centrale, qui contrairement à sa base pleinement engagée dans le soulèvement populaire de décembre 2010 janvier 2011, avait soutenu Ben Ali avant de rallier tardivement la révolution. «Autant nous tenons à ce que les coupables (de l'ancien régime) rendent compte à la justice, autant nous sommes partisans de la réconciliation», a déclaré son secrétaire général élu en décembre, Houcine Abassi. A la veille du 1er mai, la centrale a critiqué l'action du gouvernement, dominé par le parti islamiste Ennahda, vainqueur du premier scrutin libre de l'histoire du pays en octobre 2011.»Les réalisations du gouvernement ne répondent pas aux attentes des catégories sociales et ne sont pas à la hauteur des énormes sacrifices consentis par les Tunisiens», affirmait l'Ugtt dans sa déclaration du 1er mai. Le gouvernement y est accusé de recourir «tantôt aux accusations, tantôt aux menaces, allant jusqu'à mener une campagne de dénigrement à l'encontre de la centrale syndicale». Rappelant son engagement à défendre le «caractère civil de l'Etat et le régime républicain», l'Ugtt a accusé le gouvernement de ne pas faire assez pour endiguer une «hausse des prix jamais égalée». «Honte à toi gouvernement, les prix ont flambé», ont répété des manifestants, qui répondaient aux appels de mobilisation lancés par l'Ugtt avec deux autres nouveaux syndicats l'Union des travailleurs tunisiens (UTT) et de la Confédération générale des travailleurs tunisiens (Cgtt, gauche). Des partisans d'Ennahda et de courants de l'opposition ont aussi marché sous la bannière des syndicats, les premiers manifestant en soutien du gouvernement. «Nous participons sans bannière d'Ennahda, ce jour étant l'expression de l'unité nationale sans distinctions politique et idéologique», a déclaré le porte-parole du parti islamiste. «Notre pays a besoin d'apaisement et de consensus, l'Ugtt avec son poids réussira à cimenter la transition démocratique», a estimé un élu de l'opposition, Khemais Ksili. Exprimant sa solidarité avec la nouvelle Tunisie qui a inauguré le «Printemps arabe», Jean-Jacques Guigon chargé de mission Afrique à la Confédération générale du travail (CGT, France), a déclaré que «l'Ugtt est un espoir pour ce pays, un espoir encore fragile qui a besoin de la solidarité de tous les syndicalistes».