«Je milite pour une Algérie démocratique, à hauteur de son siècle» Spécialiste des questions religieuses, en l'occurrence l'Islam, et chercheuse aux Centres de recherche et des études stratégiques, émirati et jordanien, Benkada Asma est candidate du Front de libération nationale (FLN) pour les élections législatives du 10 mai prochain à Alger. Dans cette interview, elle a soutenu, contrairement aux fervents défenseurs d'un Etat islamique, qu'elle milite pour une Algérie démocratique et moderne. Le temps, précise-t-elle, de «l'Islam est la solution» est révolu. L'Expression: Au FLN des voix se sont élevées pour contester votre candidature sous prétexte que vous êtes étrangère au parti, d'autant plus que vous êtes une islamiste et pour preuve disent-ils: vous êtes l'ex-femme du célèbre mufti égyptien, cheikh Youssef El Qaradhaoui? Qu'en est-il de votre position? Benkada Asma: D'abord, sachez que je suis descendante d'une famille combattante. Donc, le FLN n'est pas une formation politique étrangère pour moi. En outre, il faut dire que je me retrouve en accord avec moi-même au sein du FLN. En effet, le FLN a été et est toujours pour moi le parti le plus approprié pour la concrétisation des idéaux auxquels j'aspire. D'autant plus que le FLN repose sur un projet de société qui préconise l'unicité et dans lequel chaque Algérien se retrouve en accord avec lui-même, quelles que soient sa conviction, sa tendance et sa conception de la vie. Et en résumé, le FLN est de mon point de vue une multiplicité dans l'unicité, car il n'y a pas de monde commun qui ne soit pluriel. Pour le reste, je vous fais savoir que je milite pour une Algérie démocratique, à hauteur de son siècle. Un siècle de modernité et de technologie. De plus, je suis une femme musulmane, qui refuse de faire usage de la religion en politique. Séparer le politique de la religion est la meilleure façon pour épargner à l'Islam, religion de tous les citoyens, toutes formes et tentatives de manipulation. Et en clair, je pense qu'il est temps pour les mauvaises langues de se taire. Êtes-vous pour un Etat islamiste en Algérie, où la charia soit appliquée? Non. Je suis contre un Etat islamique. Je n'y crois même pas. Je suis, comme je l'ai déjà dit, pour une Algérie démocratique et moderne. Par ailleurs, je souligne que cet Etat islamique tant vulgarisé par des réseaux médiatiques ou des réseaux politiques n'a jamais existé dans l'histoire des musulmans et ce, même du temps des héritiers (Sahaba) de la voie du Prophète (Qsssl). Cependant, je suis pour un Etat moderne et démocratique, où la religion sera impérativement séparée de la politique. Je précise également qu'un Etat théocratique n'a jamais existé dans l'histoire musulmane. Et il ne pourrait être inventé en Algérie. Un pays où la démocratie constitue l'idéal de tout un chacun. L'époque de l'idéologie et des slogans véhiculés par des extrémistes et des charlatans religieux, tels que «l'Islam est la solution» ou «nous voulons un Etat islamique basé sur la charia», est révolue. Cela dit, le peuple algérien est politiquement très mature et soucieux de ses intérêts et de sa souveraineté. Il n'a besoin ni d'Occidentaux et encore moins d'Orientaux pour décider de son système politique, ou arbitrant le fonctionnement de la société. En outre, il est à signaler que mes concitoyens, conscients des conséquences dévastatrices de la manipulation de la religion, comprennent parfaitement qu'il est impératif de séparer la religion de la pratique politique. Personnellement, je m'opposerai, dans le fond et dans la forme, à ceux qui utilisent la religion à des fins politiques. Voire, il est également du devoir de l'Etat de sanctionner tous ceux qui font de la religion leur cheval de bataille dans la pratique politique. Des partis islamistes soutiennent qu'ils peuvent remporter la majorité des sièges dans la prochaine Assemblée populaire nationale (APN). Qu'en pensez-vous? Non! Franchement, je ne pense pas que ces formations politiques, dites islamistes ou qui se disent être islamistes, seraient en mesure de remporter les prochaines élections législatives. Et puis, le peuple n'a pas encore dit son dernier mot à ce sujet. Autrement dit, je pense qu'avant le 10 mai prochain, jour des élections législatives, tout ce qui se dit relève à l'évidence d'un simple discours électoraliste. Et je sais que les citoyens ne sont pas dupes. Ces derniers veulent du travail, des logements, des soins, une école à la hauteur des défis de son temps, mais aussi une économie forte, source de développement, de stabilité et de cohésion nationale. Ils n'ont pas besoin, par voie de conséquence, d'écouter des discours mettant au point des projets théocratiques. Mais, aujourd'hui les citoyens veulent du concret susceptible d'améliorer leur quotidien. Et encore une fois, je vous fais savoir que les Algériennes et Algériens sont des musulmans. Alors que l'Islam est la religion de l'Etat algérien. Par conséquent, il est illusoire de penser que ces partis, faisant de la religion (l'Islam) leur cheval de bataille, puissent recueillir les voix nécessaires pour atteindre une éventuelle majorité à la future Assemblée nationale. Notre religion, l'Islam, comme je l'ai souligné et précisé dans mes travaux de recherche et précédents écrits, concernant le développement de la société, «n'est pas la lampe d'Aladin, ni le tapis volant de Sindbad le marin». Quel est votre avis sur le quota attribué aux femmes dans les élections? Le système des quotas, ayant revalorisé le statut de la femme dans les élections, est un acquis aussi bien pour la femme que pour l'homme. Autrement dit, l'effet de cette décision politique mise en oeuvre pour la première fois en Algérie est enrichissante et encourageante pour un développement dans notre société. L'Algérie a besoin de ses femmes. La présence active des femmes dans la chambre basse du Parlement appuiera et fera fructifier les débats et leur donnera du sens. La femme est toujours un pilier sur lequel repose l'homme.