Les dissensions apparues au Gpra dès le congrès de Tripoli se traduisent alors par l'élimination de nombreux dirigeants dont il fera partie. Dieu est un merveilleux metteur en scène. Le «gourou» de la propagande du FLN, M'hamed Yazid, ancien ministre du Gpra, a tiré sa révérence la veille de la célébration du 49e anniversaire du déclenchement de la Révolution. Comme toujours, Si M'hamed, affable et fidèle à son propre génie, a su choisir le jour de ses adieux. Il nous quitte sur la pointe des pieds. Sa maladie qui vient de le terrasser subitement, malgré quelques signes de faiblesse apparents que l'on imputait complaisamment à son âge, a été ignorée par beaucoup de ses amis. La presse nationale vient de perdre son plus brillant symbole. A lui tout seul, pendant les dures années de la Révolution à Tunis, il n'était pas seulement le porte-voix du combat des Algériens aux côtés de figures illustres comme Abane Ramdane, Krim Belkacem, Benyoucef Benkhedda, mais surtout un porte-parole talentueux que les correspondants de la presse étrangère adoraient car il était une source d'information crédible et recherchée. Son sens des relations humaines a permis à la Révolution d'avoir une résonance internationale. Il avait tissé un véritable réseau à travers le monde pour sensibiliser l'opinion à la cause juste du peuple algérien. Il était de tous les grands rendez-vous de l'Histoire, de New-York à Bandoung. Les grands journalistes recherchaient sa compagnie. Pour décoder parfois de difficiles équations événementielles, M'hamed Yazid en était la clé indispensable. La presse française à travers ses grands noms tels que Pierre Lazarref, directeur de France Soir, Françoise Giroud, directrice de l'Express, Jean Daniel, directeur du Nouvel Observateur, André Fontaine, rédacteur en chef du Monde ou l'écrivain journaliste Jean Lacouture connaissaient cette figure incontournable de la Révolution. Il avait initié de nouvelles techniques de communication, en vérité de propagande, qui collaient parfaitement aux réalités et aux exigences de son époque. Avec le journaliste Aïssa Messaoudi, chroniqueur émérite de la Voix de la Révolution algérienne, il donnera grâce aux ondes radio à partir de Tunis, une nouvelle raison de croire à la lutte et aux espérances du peuple algérien. Avec aussi l'organe de la Révolution El Moudjahid dont la rédaction comprenait d'illustres noms tels que Frantz Fanon, Harbi, Redha Malek, Arezki Bouzida, il donnera tout son sens à ses capacités d'animateur et de créateur infatigable. Aux négociations d'Evian, en mars 1962, il est le relais parfait de ce juste combat. Les dissensions apparues au Gpra dès le congrès de Tripoli se traduisent alors par l'élimination de nombreux dirigeants dont il fera partie. Nommé ensuite ambassadeur par Boumediene au Liban en 1969, il devient un précieux conseiller pour la direction de l'OLP installée à Beyrouth. Chadli Bendjedid le propose au poste d'ambassadeur de la Ligue des Etats arabes à Paris qu'il occupera pendant plus de trois ans avant qu'il ne soit rappelé pour occuper de nouvelles fonctions au sein du département des mouvements de libération au FLN sous Messaadia. «C'est avec un sentiment de perdre un aîné, dont la vie s'est mêlée avec l'Histoire de l'Algérie que je m'incline à sa mémoire au nom de l'ensemble des militants du parti» a écrit hier, le secrétaire général du FLN, Ali Benflis, dans une déclaration, réagissant à la mort de M'hamed Yazid. Inlassable défenseur de la liberté d'expression, il a matérialisé sa passion en construisant près de son domicile une bâtisse intitulée Maison des libertés, espace de travail et de convivialité pour les journalistes et les hommes de culture. L'Algérie vient de perdre, avec la disparition de M'hamed Yazid, un grand militant et aussi un grand symbole de sa Révolution.
