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Algérie 1962,la Grande Dérive
Du cessez-le-feu aux premières semaines de l'indépendance
Publié dans El Watan le 04 - 08 - 2005

Après La 7e Wilaya et L'Eté de la discorde, Ali Haroun vient de publier un troisième ouvrage qui s'intitule Algérie 1962. La Grande Dérive. Comme on peut le supposer, l'auteur propose une lecture des événements qui se sont déroulés après l'entrée en vigueur du cessez-le-feu et les quelques mois qui ont suivi le 19 mars 1962. L'effort d'historien est fait ici par un témoin privilégié de la guerre de Libération nationale, qui était non seulement un des responsables de la Fédération de France jusqu'à l'indépendance, mais aussi un membre du Conseil national de la révolution algérienne (CNRA).
La grande dérive décrite par Ali Haroun vient précisément de la fameuse réunion du CNRA tenue à Tripoli entre mai et le 6 juin 1962 à laquelle il assistait d'ailleurs et qui ne s'est jamais achevée de manière officielle. La crise était alors ouverte entre les différentes instances de la « révolution algérienne », essentiellement entre le Gouvernement provisoire de la république algérienne (GPRA) et l'Etat-major général (EMG) de l'Armée de libération nationale (ALN) et dont les soubresauts auront comme on pourra le constater, plus l'effet d'une véritable onde de choc dont on ressentira les conséquences tout au long des quarante années qui vont suivre. D'emblée, l'auteur commence par rappeler le contexte national qui a suivi la signature des Accords d'Evian qui ont abouti au cessez-le-feu entre l'armée coloniale et l'ALN. Alger et d'autres villes du pays subissaient les affres de la terreur instaurée par les ultras de la colonisation, les partisans de l'Algérie avec l'Organisation de l'armée secrète (OAS). Attentats contre des Algériens ou même parfois contre des personnalités d'origine européenne, des libéraux, des sympathisants de la lutte pour l'indépendance, plasticages d'établissements appartenant aux Algériens ou de sièges d'institutions publiques et sociales de l'armée française... La période qui va de mars au 5 juillet 1962 est plutôt trouble, marquée par la violence de l'OAS, dirigée alors par le général Salan, qui ordonne de réactiver le terrorisme urbain déclenché quelques mois plus tôt. Tandis que des Algériens sont mitraillés dans les cafés maures, des femmes de ménage voilées abattues en pleine rue par des commandos de tueurs. A partir de Bab El Oued, l'organisation ultra aidée par la population pied-noire de ce quartier essaie de s'opposer à partir du 23 mars par tous les moyens au FLN et à ceux qui ont « abandonné l'Algérie française ». Ces « petits blancs » d'origine française, espagnole, maltaise ou juive appellent à la sécession et à la création d'une république blanche un peu à la manière de l'Afrique du Sud de l'apartheid. L'affrontement avec l'armée française a eu lieu le 26 mars au niveau de la rue d'Isly, aujourd'hui Larbi Ben M'hidi, et s'est soldé par des dizaines de morts. Les manifestations auxquelles a appelé l'OAS ont tourné court, ce qui va accentuer le désarroi des pieds-noirs qui n'entrevoient alors qu'une seule issue : quitter le pays. Commence alors une politique de la terre brûlée. Attentats à l'explosif, saccages, assassinats d'Algériens et plasticages redoublent d'intensité. Le plus meurtrier - celui qui restera sans doute dans les mémoires pour longtemps - a eu lieu le 2 mai : une voiture bourrée d'explosifs fit 62 morts et plus d'une centaine de blessés graves parmi les dockers du port d'Alger. A des milliers de kilomètres de là s'ouvrait, le 27 mai à Tripoli, la session du CNRA qui devait se pencher sur deux choses : un programme pour l'édification du futur Etat algérien de l'après-indépendance - intitulé Programme pour la réalisation de la révolution démocratique populaire - et la désignation d'une direction - le Bureau politique chargé d'appliquer les décisions du CNRA. Si l'adoption du texte élaboré à Hammamet, en Tunisie, par une commission, dans laquelle figuraient Mohamed-Seddik Benyahia, Mohamed Harbi, Mostefa Lacheraf, Rédha Malek et Abdelmalek Temmam, ne pose aucun problème, devenant ainsi la fameuse Charte de Tripoli. La désignation d'une direction n'allait pas se faire aussi facilement. Une commission des sondages a été mise sur pied pour récolter l'avis de chaque participant sur la meilleure composition possible du futur bureau politique susceptible de recueillir la majorité des deux tiers du CNRA pour être élu. Cela n'était pas si évident que l'on pouvait l'imaginer compte tenu de la composition du Conseil formé de maquisards et de militants clandestins venus d'horizons différents qui se voyaient, pour certains, pour la première fois. Et ce d'autant que « les évènements de l'année précédente avaient engendré une grave opposition entre le GPRA et l'EMG. Benbella, vice-président du GPRA, avait pris position contre le Président et ses ministres, particulièrement Krim Belkacem, Abdelhafid Boussouf et Abdallah Bentobbal ». D'ailleurs, Ali Haroun relate dans son livre une entrevue sollicitée par Benbella lui-même et au cours de laquelle il fait part à l'auteur de sa proposition d'un bureau politique composé des cinq détenus d'Aulnoy, c'est-à-dire Aït Ahmed, Benbella, Bitat, Boudiaf et Khider, auxquels il a ajouté Hadj Benalla et Mohammedi Saïd. « Le bon sens commandait que l'on ne pouvait décemment éliminer de la première direction de l'Algérie indépendante les trois hommes qui furent, ces trois dernières années, les véritables meneurs de la Révolution, et leur exclusion aurait constitué non seulement une ingratitude manifeste, mais encore une grave erreur aux conséquences susceptibles d'ébranler les premiers fondements de notre futur Etat. Du moins le pensais-je », résume Ali Haroun. Et l'on savait dans le conflit qui opposait le GPRA à l'EMG, Houari Boumediène, son chef, avait essayé, par l'intermédiaire de Si Abdelkader - Abdelaziz Bouteflika - d'approcher et de convaincre à sa cause Boudiaf, qui était vice-président du GPRA. Devant le refus de ce dernier, il se rapprocha de Benbella dont le soutien lui fut immédiatement acquis. Le colonel Boumediène « renverra l'ascenseur » le moment voulu vers celui qui l'écouta et qui l'a soutenu dans le bras de fer engagé contre le GPRA. C'est dans ce climat électrique que le CNRA aborde sa séance du 5 juin au cours de laquelle la commission des sondages fait état de son incapacité à parvenir à un compromis et annonce son échec dans la mission qui lui a été confiée. Tahar Zbiri sera à l'origine du « clash » qui l'opposera au président du GPRA Benyoucef Benkhedda, attaqué également par Benbella. Alors que Salah Boubnider et Abdallah Bentobbal prennent la défense du Président et accusent Benbella de vouloir semer la discorde. La session du Conseil sombre dans un véritable désordre, alors que quelques membres ont essayé de proposer une seconde commission de candidatures. Devant la confusion générale, la séance est levée et restera ouverte. Cette session du CNRA restera inachevée, sans doute par le fait des divergences qui y sont apparues ou attisées. Elle sera à l'origine de la crise de l'été 1962 que connaîtra l'Algérie indépendante. Tandis que la direction de la lutte armée s'entre-déchirait à Tripoli, en Algérie et particulièrement dans les grandes villes comme Alger, Oran ou Constantine, la population musulmane fait l'objet d'une véritable chasse à l'homme de la part de l'OAS. « Alors que nous nous acheminions de Tripoli vers Tunis, les attentats contre les musulmans reprennent à Alger en dépit de l'appel à la trêve lancé le 5 juin par le général Jouhaud, chef de l'OAS, cette organisation terroriste qui sème la terreur en Algérie et la désolation en France », écrit Ali Haroun. Il est vrai que celle-ci fut entretemps sérieusement déstabilisée par l'arrestation de ses chefs Jouhaud et Salan par l'armée française et leur traduction devant le tribunal militaire en France et leur condamnation à la peine capitale ou à perpétuité en avril et mai 1962. De Gaulle, de son côté, maintient sa volonté à éradiquer l'OAS. Mais rien ne semble vouloir arrêter la folie meurtrière de l'organisation ultra tandis que l'exode des Européens d'Algérie se poursuit en direction de la France. A la veille du 5 Juillet, on s'attend à l'arrivée de 800 000 personnes. Certains pieds-noirs, y compris des membres de l'OAS, prennent contact avec l'Exécutif provisoire pour obtenir des garanties autres que celles prévues dans les Accords d'Evian, et ce, dans la perspective du référendum du 1er juillet, signale Ali Haroun dans son ouvrage. On saura plus tard que Abderahmane Farès, président de l'Exécutif provisoire installé au Rocher noir (Boumerdès), accompagné du docteur Chawki Mostefaï, s'est rendu à Tripoli le 7 juin pour informer le GPRA de la situation en Algérie et espère obtenir l'aval pour des négociations avec l'OAS et obtenir l'arrêt des destructions. Ils étaient tous les deux loin de se douter que la crise était déjà ouverte au sein du CNRA. Et ils ne trouvèrent personne - compte tenu de ce qui s'était passé lors de la session de Tripoli - qui aurait pu leur accorder un quelconque aval. Ils retournèrent les mains vides, accompagnés de Krim Belkacem qui fut le premier membre de la direction en exil à mettre les pieds à Rocher noir, le 10 juin, alors que la veille, c'est-à-dire le 9 juin, Ferhat Abbas et Ahmed Francis se retirent à Genève. Il est vrai qu'en ce début de juin très peu de gens savaient, en dehors des membres du Conseil, la tournure prise par les évènements lors de la réunion de Tripoli. Le premier à la rendre publique fut sans doute Mohamed Khider en annonçant, le 22 juin, sa démission du GPRA. Mais le secret n'a pu, en apparence, être gardé plus longtemps même si, officiellement, rien n'avait « transpiré » de la réunion inachevée du CNRA à Tripoli. Les premiers à avoir senti quelque chose seraient, selon l'auteur, les Tunisiens et de citer pour preuve quelques extraits d'un article de l'ancien ministre de l'Information de Bourguiba dans Jeune Afrique du 24 juin 1962 qui appelait ses « amis algériens d'éviter de donner des prétextes à ceux qui veulent les diviser (...), car la Révolution algérienne a atteint ses objectifs, il n'y a pas de raison qu'elle trébuche.Nul n'a le droit de la ravaler à de vaines et stériles querelles de personnes ». Devant la menace d'éclatement et de division, il importait de tenter une dernière et ultime tentative de réconciliation, « ultime sauvetage », écrit Haroun. Ainsi se tint un conseil interwilayas à Zemoura regroupant les représentants des Wilayas 2 (Nord constantinois), 3 (Kabylie), 4 (Algérois), Zone autonome d'Alger et Fédération de France. Les signataires prennent deux grandes décisions. La
première fut la création d'un comité coordination interwilayas qui devait avoir pour tâche « la sauvegarde de la nation ». La seconde, celle de lancer un appel ultime à tous les membres du gouvernement, autorité légitime du pays, pour rester unis jusqu'à l'élection de l'Assemblée constituante... Enfin, la réunion de Zemoura demandait au GPRA de dénoncer tous les membres de l'EMG accusé de travail subversif dans les Wilayas 2 et la Zone autonome d'Alger, mené par des éléments qui lui étaient totalement acquis. Sur ce point, les participants à la réunion de Zemoura ont décidé de saisir les autres Wilayas 1, 5 et 6 notamment en leur faisant remarquer que l'EMG était démissionnaire depuis l'été 1961. Ali Haroun explique ce ressentiment à l'égard de l'EMG de la part des wilayas de l'intérieur représentées à Zemoura par des griefs manifestés à l'égard de cette structure militaire durant les dernières années de la guerre et au cours desquelles elles ont dû faire face, seules, au problème de l'armement et d'isolement que voulait lui imposer l'armée française sur le terrain. Sans compter l'inquiétude qu'il pouvait susciter avec le contrôle qu'il avait sur les 40 000 hommes, qui constituaient l'armée des frontières, répartis à l'est et à l'ouest sur une quarantaine de bataillons bien équipés qui pouvaient marcher à tout moment sur la capitale, siège du pouvoir central. Une délégation du conseil interwilayas est dépêchée sur Tunis où elle rencontre des membres du GPRA : Benkhedda, Benbella, Khider et Krim pour les informer des décisions de Zemoura. « C'est la rupture », écrit Haroun. Khider se retire de la réunion en annonçant sa démission. Benbella quitte clandestinement Tunis pour Le Caire non sans avoir prévenu Benkhedda qu'il se désolidarisait de Khider, comme l'écrivit le dernier président du GPRA et dont les propos sont repris par Ali Haroun. La crise qui secoue le FLN n'est plus un secret pour personne à la veille du référendum sur l'autodétermination. Le 30 juin 1962, l'EMG est destitué par le GPRA. La crise vient de franchir une phase irréversible. Le GPRA adresse un ordre du jour à l'Armée de libération nationale dans lequel il l'informe de la destitution de l'EMG, de la dégradation du colonel Boumediène et des commandants Mendjeli et Slimane et de refuser tout de ces officiers... Benbella, qui se trouvait à Tripoli à ce moment-là, déclare la décision du GPRA comme illégale. L'EMG, quant à lui, bien sûr, la rejette. Dès lors, l'inquiétude monte de plus en plus devant les déclarations accusatrices des deux parties et l'escalade militaire sur le terrain. L'armée des frontières entre en action et franchit la frontière ouest le jour où le GPRA est accueilli par la population algéroise le 3 juillet. Les événements vont alors se précipiter durant le mois de juillet. Benbella quitte alors Tripoli, décidé à rentrer sur Alger en passant par le Maroc ! Et c'est à partir d'Oujda qu'il prépare son périple avec l'aide de Mohamed Khider, qui l'accompagne, et de Boumediène, qui tient son armée des frontières arme au pied, prête à intervenir à tout moment. Le vice-président du GPRA fait une escale à Tlemcen, une ville qui sera pour un temps, durant les semaines qui ont suivi le 5 Juillet, une des « capitales du pouvoir réel ». Au point que les observateurs, les journalistes de l'époque et plus tard les historiens parlent de groupe de Tlemcen qui s'est constitué autour de Benbella et auquel se ralliera Ferhat Abbas qui le regrettera quelques années plus tard. Le Bureau politique est désigné dans la villa Rivaud. A l'opposé, le groupe de Tizi Ouzou rassemble autour de Krim Belkacem et Mohamed Boudiaf tous ceux qui s'opposent au « coup de force de Benbella » dans le cadre d'un Comité de défense et de liaison de la république. Entretemps, sur le terrain, la tension est à son comble. La guerre des communiqués fait rage. Des chefs militaires, comme Salah Boubnider et Abdallah Bentobbal, sont arrêtés parce que soupçonnés de vouloir s'opposer à l'EMG et au groupe de Tlemcen. Du côté du GPRA, c'est la déliquescence. Saâd Dahlab est démissionnaire, M'hamed Yazid séjourne provisoirement à Paris et Aït Ahmed regagne Genève... A Alger, l'heure est aux hésitations et aux réticences. Ailleurs, la situation dégénère. On est à deux doigts de l'affrontement armé. Mohamed Boudiaf est arrêté à M'sila par les partisans du Bureau politique de Tlemcen. Les élections pour l'Assemblée constituante sont repoussées encore une fois. Beaucoup d'incertitudes planent sur les lendemains de l'indépendance. La Wilaya 4 marque son opposition au Bureau politique qui tente d'« asphyxier » par tous les moyens les insurgés du colonel Hassan, le chef. Tout semble jouer au cours de ce mois d'août 1962 sur la prise de pouvoir et la manière de le garder le plus longtemps par le jeu des alliances et compromissions avec, en toile de fond, la préparation des élections pour la Constituante et la reconversion des unités de l'Armée de libération nationale dans chaque wilaya. Pour certains, c'est une période propice au wilayisme. « Le 14 août, et pour la première fois, arrive à Alger l'homme qui, en définitive, par lui-même ou par ses disciples va décider à sa manière et sans appel de l'avenir de l'Algérie : le colonel Houari Boumediène. Il est accueilli par Benbella, chargé des affaires militaires, et par ses anciens adjoints à l'EMG, les commandants Slimane et Mendjeli. » C'est alors, comme le rappellera Ali Haroun, que dans ce contexte va se dérouler une véritable partie de bras de fer entre le Bureau politique et la Wilaya 4. Les jours qui suivent l'entrée de Boumediène dans la capitale sont marqués par des troubles, notamment à Constantine. Le coup de force est déjà entamé. Benbella et son équipe du Bureau politique préparent déjà les listes électorales pour la Constituante au grand dam des autres wilayas qui se sentent, à tort ou à raison, marginalisées. C'est dans ce climat « conflictuel » que les élections sont plus d'une fois reportées. « De la détérioration, la situation dérive vers l'anarchie », écrit Ali Haroun. Dans un communiqué, Boudiaf s'interdit de « s'engager dans une politique stérile » tandis que Krim Belkacem, dans une conférence de presse, invite, avant qu'il ne soit trop tard, les membres du Bureau politique à la reprise du dialogue en vue d'une solution rapide et pacifique. Le 29 août, une fusillade dans la Casbah d'Alger entre les djounoud du colonel Hassan, chef de la Wilaya 4, et les éléments fidèles au Bureau politique fait 13 morts. Le 3 septembre, Benbella, à partir d'Oran, demande aux unités qui le soutiennent de marcher sur Alger, alors que les affrontements font rage entre les djounoud de la Wilaya 4 et les troupes encadrées par l'EMG et superéquipées. Au plan politique, la confusion est totale. Les négociations entre le Bureau politique et les contestataires démarrent sur fond de réaction et de manifestation populaires aux cris de « sb'âa snine barakat (sept ans, cela suffit) ». Le Bureau politique s'installe le 4 septembre à la villa Joly, à Alger, et les élections sont fixées au 16. Dans son dernier chapitre, Ali Haroun explique comment ont été « fabriquées » les premières listes électorales de l'Algérie indépendante, donnant ainsi le coup d'envoi à ce qui allait devenir une pratique et une « tradition » pour les quarante années à venir et que l'« expérience » du FLN parti unique viendra consolider. Les conséquences seront ressenties durement, très durement, par la population qui aura vécu dans l'expectative les retournements de situation comme le coup d'Etat du 19 juin qui débarquera Benbella. La répression qui s'ensuivit, l'emprisonnement des démocrates, les assassinats politiques des opposants, les mises en résidence surveillée, l'instauration de tribunaux « révolutionnaires », les appels au meurtre contre les compagnons, les frères de la lutte armée d'hier, devenus subitement, par le discours officiel, des ennemis de la Révolution à la solde de l'étranger.
Algérie 1962. La Grande Dérive, Ali Haroun, éditions L'Harmattan, Paris, juin 2005


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