Les initiateurs avaient fait le voeu de mettre un terme à l'injustice. Dans la proclamation du 1er novembre, il a été fait le serment d'édifier un Etat social qui garantisse le pain, la liberté et la dignité pour le citoyen algérien longtemps maintenu sous le joug du code de l'indigénat. Ses terres et ses biens avaient été spoliés par le colonisateur et tous ses droits politiques et sociaux bafoués. Les initiateurs du 1er novembre avaient fait le voeu de mettre un terme à cette injustice. Pourtant, à une année de la célébration du 1er novembre, force est de constater que cette promesse sociale n'a pas été tenue. Le développement n'a pas été assuré. L'économie a été déstructurée. Le tissu industriel a été démantelé. L'injustice et la hogra n'ont jamais été aussi voyantes. En 1962, les potentialités de l'Algérie la plaçaient loin devant l'Espagne du général Franco. Les ressources du sous-sol, les produits de l'agriculture, l'élite intellectuelle, le patriotisme de sa population toutes couches confondues pouvaient laisser espérer la prospérité et un avenir brillant à ce pays et à ses enfants. Mais l'Algérie d'aujourd'hui ne peut pas soutenir la comparaison avec l'Espagne, qui a été tirée du sous-développement par la clairvoyance et le génie de ses dirigeants. En 1954, le FLN était un front qui rassemblait les principales forces algériennes dans un éventail qui allait des Ulémas aux communistes, en passant par les partisans de Ferhat Abbas et le syndicat Ugta. De vrais stratèges étaient à la tête de ses instances. Des hommes intègres, intelligents, patriotes, désintéressés, des hommes qui plaçaient l'intérêt du pays au-dessus de tout. Ces hommes s'appelaient Didouche Mourad, Larbi Ben M'hidi, Abane Ramdane, Mohamed Boudiaf, Mostefa Ben Boulaid, Krim Belkacem, Zighout Youcef, Lotfi, Taleb Abderrahmane, Ahmed Zabana, pour ne citer que ceux-là parmi les 15.000.000 martyrs qui ont sacrifié leur vie pour que vive l'Algérie dans l'aisance et la dignité. Que reste-t-il aujourd'hui de toutes ces promesses et de tous ces voeux? Un goût de cendre et de charbon. Le goût d'un pays brûlé , livré pieds et poings liés aux hordes terroristes, aux égorgeurs, aux affameurs, aux suceurs de sang au propre et au figuré, le chômage qui n'a jamais été aussi fort, l'école qui est sinistrée, des générations d'Algériens gagnés par le désespoir, la mal vie, la perte de confiance en soi, et le fossé qui ne cesse de se creuser entre la classe dirigeante et le reste de la population. Le régime est enfermé dans sa tour d'ivoire, mettant en coupe réglée les richesses du pays, se spécialisant dans l'intrigue et la manip pour se maintenir au pouvoir, divisant le peuple, réprimant dans le sang toute voix divergente. Un demi-siècle après, les droits culturels de la population ne sont pas reconnus. Tamazight n'est toujours pas considérée comme langue officielle. Quant à la femme, qu'un code de l'infamie a faite mineure à vie, elle n'attend plus rien de ce pouvoir, au pays de Djamila Bouhired, Hassiba Ben Boulaïd, Louisette Ighil Ahriz, dignes héritières de la Kahina et de Fatma N'soumer. A force de luttes intestines, le parti qui garde le signe du glorieux FLN est devenu une coquille vide. La révolution a dévoré ses enfants : Abane Ramdane, Mostéfa Benboulaïd, Amirouche, Mohamed Khemisti, Mohamed Khider, Krim Belkacem, directement ou indirectement ont été victimes de règlements de compte et de liquidations politiciennes, y compris le signalement de leur présence à l'ennemi comme dans le cas du colonel Amirouche et de Mostéfa Ben Boulaid. Larbi Ben M'hidi lui-même n'aurait pas été pris par les tortionnaires de Bigeard s'il n'avait pas été vendu. Tous ceux qui ont érigé la traîtrise en système de gestion de la révolution s'en lavent les mains comme Ponce Pilate et en tirent des dividendes pour eux et pour leur caste. L'Algérie en tant que peuple et nation est sacrifiée sur l'autel des intérêts bassement matérialistes et individualistes.