Kaddour M'Hamsadji recevant sur scène des présents d'hommage de M. le président de l'APW et du commandant de la gendarmerie de la wilaya de Bouïra par expérience, lorsque l'être humain a assez d'esprit pour se dire avec la réalité des choses qu'il partage avec ceux dont l'existence a la même réalité, il ne doutera plus de son identité historique, et il lui obéira. Vérité pratique, âpre vérité que celle-ci, et utile et douce, coûte que coûte, telle flatterie à la suprême fierté de l'Algérien, car il reste fort dans le sentiment, l'honneur d'être reconnu chez soi, parmi les siens, avec les siens, pour tous les siens, sans différence, sans indifférence... Alors, me dis-je, les paroles humaines sont tissées d'or et d'argent pour donner du sens à la vie et de la vertu à l'ambition. Que de saines ambitions pour une vie heureuse! Que de promesses ferventes - mais sans délire, sans fatuité - dans le 8e Salon du Livre et du multimédia amazighs qui s'est déroulé du 19 au 22 mai 2012.à Bouïra, chef-lieu de la wilaya éponyme, prestigieuse, avec ses douze daïrates aux noms qui racontent l'histoire et la culture et la beauté du relief et des saisons et la bonté des populations héroïques qui, elles, sont aussi en quelque manière profondément imprégnées de la poésie impérissable de leur terroir. Le Salon a été installé dans la magnifique Maison de la Culture «Ali-Zamoum» (1933-2004, inlassable militant nationaliste, personnalité politique et auteur de Tamurt imazighen, Mémoires d'un survivant 1940-1962). Et voici donc le beau voyage culturel auquel le visiteur est invité! Sortons des sentiers battus et débarrassons-nous des réflexions toutes faites d'amertume, de regret, de pessimisme ou de zèle gluant. Entrons dans la poétique de l'espace livresque, dans les régions d'intimité où l'action de l'homme construit le rêve d'exister par sa seule identité nationale. Coïncidant cette année avec la célébration du 19 mai, Journée de l'Etudiant et s'insérant dans l'esprit du Cinquantenaire de l'indépendance de notre pays, ce 8e Salon national du Livre et du Multimédia amazighs, organisé par le Haut commissariat à l'amazighité, sous le haut patronage de Madame la ministre de la Culture et de Monsieur le wali de la wilaya de Bouïra, est consacré au thème général «Davantage de droits d'auteurs et droits voisins pour promouvoir tamazight». Ainsi que Si El Hachemi Assad, directeur du département de la promotion culturelle au HCA et commissaire du Festival national annuel du film amazigh, l'écrit dans le programme des activités et animations proposées, il est vrai que: «Du coup, Bouïra s'impose comme une plaque tournante du savoir, un cadre convivial des rencontres, de dialogues et d'échanges, un carrefour incontestable du livre et du multimédia reliant les éditeurs et les auteurs des quatre coins du pays. Il est de ce fait réconfortant de constater que tamazight, via le livre, s'étoffe et se développe, tant quantitativement que techniquement, voire esthétiquement au grand bénéfice de l'édition nationale.» Entrons dans le Salon Le défi est de nouveau lancé cette année; les auspices sont encore les meilleurs, car ils sont de M.Ali Bouguerra, un grand Wali tout disponible, tout près de l'âme de sa wilaya, tout dévoué à la culture. Il contribue pleinement à son épanouissement avec, d'une part son équipe de collaborateurs directs dont M.Mourad Nacer et, d'autre part, toutes les autorités locales et les institutions nationales que compte la wilaya de Bouïra. Entrons donc dans le Salon, - je ne me sens pas seul, près de moi, j'imagine Mouloud Mammeri, Kateb Yacine, Malek Haddad,... et Moufdi Zakaria dont j'entends même la voix grave et modulée récitant son poème L'Iliade de l'Algérie en 1001 vers. «C'est en lisant qu'on s'instruit», disent les pédagogues. M.Youcef Merahi, secrétaire général du HCA, m'a accueilli à l'entrée même du «Savoir Lire»: un long circuit rond et pur totalement bordé de stands d'éditeurs, venus d'Alger, de Bejaïa, d'Oran, de Tizi-Ouzou, du M'Zab, d'Azazga, de Bouïra,... ayant de multiples projets, autant de bruissements de publications réussies: images, textes, CD, bandes dessinées, histoire, civilisation, langues (arabe, amazighe, français,...), littérature, contes, légendes, religion, arts,... Dans toutes les têtes, débarrassées des séquelles du système colonial, bourdonne la culture algérienne. Le Salon est une cellule intime: je rencontre des amis et des visages qui font imaginer une merveilleuse dialectique de vie paisible, intellectuelle et fertile et qui laisse imaginer des horizons sûrs d'une Algérie culturelle plurielle, tellement évidente! Il faut concevoir ici l'école publique où l'Algérien apprend à lire et à relire. J'y ai retrouvé, j'y ai découvert des auteurs de tout âge, hommes et femmes, des romanciers, des conteurs, des poètes, des illustrateurs en toute technologie. Dans les salles réservées à la réflexion sur des thèmes précis, l'auditoire est attentif et réagit en toute conscience et curiosité intellectuelle. Ainsi, un temps a été accordé aux «Lectures de textes: Feraoun, Mammeri, Mohya», au «Symposium autour des droits d'auteurs et droits voisins», aux «Cafés littéraires: Manuscrits de Kabylie; Jean Amrouche entre dépossession et réappropriation par Mme El Djouher Amhis; Les rapports «Texte/Image» par Mohamed Bensalah; Sahnouni Rachid et Ghenima Kemkem, lecture de «Ameslay y enna Baba»», à la «Conférence-débat: «Le patrimoine musical algérien et l'édition» par Abdelkader Bendamèche». Il faut y ajouter la permanente exposition-démonstration-ventes-dédicaces d'ouvrages en présence des auteurs, avec la présentation du «Dictionnaire Mozabite-Français» par Ahmed Nefnoun et celle des ateliers «Théâtre et écriture» et le programme spécial pour enfants. Ont également contribué à l'animation artistique et conviviale de ce Salon, un panorama du festival du film amazigh (documentaires, courts métrages et le long métrage «Vava Moh» de Yazid Smaïl, Olivier d'or 2012), un dîner-spectacle «Salah Gaoua dit et chante Mohya» au CNLST de Tikjda et la chorale de l'Association Izelwan N M'Zab de Ghardaïa. Au terme de ce bref retour à la belle rêverie que m'a procurée mon court séjour à Bouïra durant le Salon national du Livre et du Multimédia amazighs (19-22 mai 2012), je me dois de saluer les efforts de tous les responsables à quelque niveau qu'il se situe dans la hiérarchie des Autorités dirigeantes de la wilaya de Bouïra. Sans doute, encore que de nettes améliorations sont à remarquer par rapport au précédent Salon, quelques effets (par exemple, dans le domaine du multimédia, de l'information ponctuelle, de la publicité à l'entrée, au centre et à la sortie de la ville, le drainage du public scolaire et universitaire, l'animation sonore et l'occupation fonctionnelle des lieux pour créer l'ambiance de fête culturelle,...) attirent l'attention de l'observateur dans cette difficile et complexe entreprise pour réaliser un 8e Salon modèle. Cependant, dès lors que la volonté politique et humaine est réelle, que les compétences existent et sont déployées, que la sympathie populaire est acquise, que les institutions culturelles et scientifiques se décident à prendre leur bonne part pour un nouvel essor de la culture dans la Wilaya, tout est possible. Le rêve est permis: les douze daïrates de la wilaya de Bouïra - celle de Soûr El Ghouzlâne également - s'engageront à réunir, pour les faire connaître, leurs richesses historiques, humaines et culturelles. Entre-temps, répondant à mon désir ardent de me rendre à Soûr El Ghouzlâne, ma ville natale, située à une trentaine de kilomètres de Bouïra, fût-ce pour quelques heures, M.Mourad Nacer, directeur de la Culture de la Wilaya, n'a pas hésité à m'offrir une virée studieuse à «Auzia, la Romaine». Accompagné de M.Hamza Ould Mohand, ingénieur spécialisé en informatique, président de l'Association culturelle «Le Défi» de Birkhadem et responsable bénévole de la bibliothèque municipale de Birkhadem, j'ai été accueilli et guidé par M.Mahmoud Laribi, homme exemplaire d'amabilité et fort instruit des intérêts culturels de la ville. Une virée à Soûr El Ghouzlâne Il m'a conduit directement à la récente bibliothèque que M.Nacer m'a vivement recommandé de visiter. Située dans le quartier El Djebsa, en dehors des anciens remparts, côté Bâb Stîf, Porte de Sétif (ou Bâb El Gort, Porte aux Fourrages, 1857), la bibliothèque tire l'oeil favorablement par son architecture moderne et sobre et par la jeunesse et la compétence de son personnel mixte et d'autant qu'il est natif de Soûr El Ghouzlâne. Je constate aisément que la responsable est une jeune femme très résolue avec ses collègues à multiplier les liens utiles et la fréquentation de la bibliothèque par tous les publics (scolaires et non scolaires, jeunes et adultes) pour donner âme et activités à «notre temple de la lecture». Les équipements actuels semblent suffisants, il reste alors d'autres installations indispensables comme le téléphone (pour l'Internet) et des décisions administratives pour fixer le personnel et le rassurer sur son avenir professionnel. Grâce à la disponibilité de Sî Mahmoud, notre hôte de quelques heures, j'ai pu, avec Hamza, caméra toujours au poing, faire quelques pas dans la rue proche de ma maison natale, détruite et clôturée depuis des dizaines d'années par son propriétaire. J'ai eu la joie de serrer des mains amicales, de recevoir des embrassades chaleureuses d'anciens camarades descendus d'un bus exprès pour moi, d'écouter des fragments de poésie populaire de mon jeune voisin de quartier (il se nomme Aïssa Brahimi, aussi agréable de visage qu'autrefois, et il a près de quatre-vingt-cinq ans, le Hâdj! Je le vois encore en tenue de Tarzan dans nos jeux de rue!), de prendre, à l'invitation de hâdj Yala Abderrahmane et du fils du propriétaire Brahim Benkouider, un thé à la menthe au «Petit café de mon père» avec une émotion constante impossible à évacuer et que des camarades nouveaux venus n'ont pas cessé de raviver... Je suis rentré tard à Bouïra: le coeur serré mais heureux. Soûr El Ghouzlâne aura d'autres équipements, de plus en plus importants: la restauration du rempart à l'identique se poursuit, un théâtre de plein air sera réalisé, d'autres bonnes choses qui honorent l'existence de ma ville natale seront entreprises... Soûr El Ghouzlâne ne sera pas oublié, M.le Wali Ali Bouguerra me l'a affirmé publiquement lorsque j'ai été sur la scène de la Maison de la Culture «Ali-Zamoum» pour recevoir, ému et fier, les nombreux témoignages d'affection et de reconnaissance pour ce que je représenterais pour la jeunesse de la Wilaya. Un rendez-vous est déjà annoncé officiellement: le 9e Salon du Livre et du Multimédia amazighs se tiendra à Bouïra le 19 mai 2013 et sera maghrébin.