Comme durant tout le déroulement de son procès, Moubarak a écouté couché sur une civière, derrière un grillage, le verdict le condamnant à perpétuité Le président égyptien déchu Hosni Moubarak, 84 ans, a été condamné hier à la prison à vie pour la mort de manifestants durant la révolte contre son régime l'an dernier, au terme de dix mois d'un procès historique. L'un des avocats de M.Moubarak a aussitôt annoncé que son client allait faire appel. Peu après, l'ancien président, qui était jusqu'ici placé en détention préventive dans un hôpital militaire près du Caire, a été transféré selon une source de sécurité vers la prison de Tora, au sud de la capitale. Comme pendant toutes les audiences de son procès, M.Moubarak a comparu couché sur une civière en raison de son état de santé, qui a fait l'objet de nombreuses spéculations. Ses opposants l'accusent en effet de jouer la comédie pour s'attirer la compassion de la population. Le regard cette fois caché par des lunettes de soleil, il est resté impassible tout au long de l'audience, souvent les bras croisés. Premier des dirigeants emportés par le «Printemps arabe» à comparaître en personne devant un juge, M.Moubarak était jugé depuis le 3 août 2011. La peine capitale avait été requise contre l'ancien chef d'Etat, qui plaidait non coupable. Son ancien ministre de l'Intérieur Habib el-Adli, jugé lui aussi pour la mort de plus de près de 850 personnes lors de la révolte populaire de janvier/février 2011, a également été condamné à la prison à vie. Six anciens hauts responsables des services de sécurité ont en revanche été acquittés. Les deux fils de M.Moubarak, Alaa et Gamal, qui comparaissaient également, n'ont pas été condamnés, les faits de corruption qui leur étaient reprochés étant prescrits, selon le président de la cour, le juge Ahmed Rifaat. Alaa et Gamal Moubarak, vêtus de la tenue blanche des prévenus, avaient l'air grave et les yeux cernés. Les deux hommes ont eu les larmes aux yeux après la lecture des verdicts. Un autre procès les concernant doit toutefois s'ouvrir prochainement, pour une affaire de corruption boursière. Yasser Bahr, l'un des avocats de M.Moubarak, a indiqué qu'il ferait appel. «Ce verdict est plein de failles juridiques. Nous allons gagner (en appel) à un million pour cent», a-t-il dit. L'avocat et militant reconnu des droits de l'Homme, Hossam Bahgat a de son côté estimé que «le verdict soulève plus de questions qu'il n'apporte de réponses». «Les Egyptiens se sentent vengés de voir Moubarak et son ministre de l'Intérieur condamnés à la prison à vie, mais (...) la cour semble ne pas avoir trouvé de preuves que les meurtres aient été commis par des policiers. Il semble que la cour ait condamné Moubarak et Adli pour avoir échoué à empêcher les meurtres», a-t-il ajouté. Peu après le verdict, l'ancien président a été transféré dans l'aile médicalisée de la prison de Tora, dans la banlieue sud du Caire, pour y purger sa condamnation, a-t-on appris auprès des services de sécurité. De brefs heurts ont éclaté après la lecture des verdicts devant le bâtiment mais aussi à l'intérieur de la salle d'audience. «Nul et non avenu! Nul et non avenu!», «Le peuple veut la purge de la justice!», ont crié des avocats, furieux après l'acquittement des six responsables de la sécurité et l'annonce de la prescription des charges contre Alaa et Gamal Moubarak. Le juge Rifaat a dit avoir pris sa décision en ayant «la conscience tranquille». Il a eu a des mots très durs pour la situation de l'Egypte pendant les trente années de règne de M.Moubarak, en faisant notamment référence à la pauvreté de la population et à ceux qui vivaient dans «la pourriture des bidonvilles». Il a également rendu hommage aux manifestants qui s'étaient soulevés contre le régime au début de l'année dernière. «Ils se dirigeaient vers la place Tahrir pacifiques, demandant seulement justice, liberté, démocratie», a-t-il lancé. L'audience s'est tenue sous très haute sécurité. Des centaines de policiers anti-émeutes et des blindés de l'armée entouraient le bâtiment pour prévenir les heurts qui se sont produits à plusieurs reprises par le passé devant le bâtiment entre pro et anti-Moubarak. Devant le tribunal, une vingtaine de membres des familles de victimes, venus d'Alexandrie, brandissaient des portraits de leurs «martyrs». «Exécution pour le fils de chien!», «Trente ans de torture et de meurtre de la jeunesse, il faut que le déchu soit exécuté», scandaient-ils.