Le président de la Cncppdh appelle à l'indemnisation des déportés du Sud ainsi que la prise de mesures légales pour les enfants nés au maquis. «Il faut se débarrasser de la justice fast-food», tel est l'appel du pied lancé par Le président de la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l'homme (Cncppdh), Farouk Ksentini. Affirmant qu'il ne doutait pas de la qualité de la justice ni de la volonté du magistrat, M.Ksentini a néanmoins tiré sur cette dernière en jugeant nécessaire de se débarrasser de ce qu'il a qualifié de justice fast-food. Dans ce sens, l'invité de la Chaîne III a commenté le grand nombre de dossiers d'affaires criminelles programmées quotidiennement au niveau des cours - d'une moyenne de quatre affaires par jour - considérant impossible de juger un nombre pareil d'affaires d'une façon décente et raisonnable. ««Ce n'est pas la faute aux magistrats, il y a une politique pénale qu'il faut revoir dans son ensemble», a-t-il recommandé. Farouk Ksentini est également revenu sur le dossier des disparus de la tragédie nationale. «Le dossier des disparus n'a pas été clôturé. La Commission n'a pas pouvoir de le faire. Donc, on peut considérer qu'il est toujours ouvert. Quoi qu'il en soit, nous avons, sur ce dossier, progressé et pratiquement apporté la solution», a t-il déclaré. Selon lui, il reste un noyau de familles des victimes de disparitions forcées qui conteste ce qui a été entrepris par la Cncppdh. «Ce noyau considère qu'il y a encore des investigations à mener. D'après lui, tant que la justice ne se serait pas prononcée sur les cas de disparitions, le dossier doit demeurer ouvert. C'est un point de vue que je respecte. Mais je pense qu'avec la Charte pour la paix et la réconciliation nationale, les données ont changé», a-t-il ajouté. Il a qualifié le noyau contestataire de minuscule. «Son slogan est justice et vérité. On leur a posé la question: comment envisagez-vous de traduire en justice les hauts responsables qui étaient aux affaires à l'époque durant laquelle ont survenu les cas de disparitions? Ils ne répondent pas à cette question. Ils se contentent de dire «justice et vérité». Comment mettre en oeuvre cette justice, c'est plus facile à dire qu'à faire.» En réalité, depuis des années, les associations des familles victimes de disparitions forcées, considérées par le droit international comme un «crime continu», réclament le jugement des responsables ayant permis cette situation dans les années 1990. Ces demandes sont clairement exprimées dans les textes et déclarations de ces associations dont SOS Disparus. D'après Farouk Ksentini, le nombre de cas de disparus est de 7200. Mais cette statistique fournie par la Gendarmerie nationale est contestée par les familles des disparus. Pour elles, le nombre des disparus est plus important. Mais M.Ksentini estime qu'il n'y a aucune contestation à faire sur ce chiffre. «La Commission a toujours retenu le chiffre de 6146 disparus. Pourquoi? Parce que la Commission a été saisie de 6 146 requêtes venant des familles des disparus.» Les familles des disparus ont, d'après Farouk Ksentini, été indemnisées. «Il y a moins de 5% d'entre elles qui ne l'ont pas encore été. Elles ont refusé l'indemnisation (...). Aucun parmi tous les Etats qui ont connu le même phénomène des disparitions que l'Algérie n'a apporté des solutions acceptées par tout le monde. Les solutions sont toujours critiquées. A mon avis, l'Algérie a fait tout ce qu'elle pouvait pour apporter une solution acceptable à ce phénomène», a-t-il dit. Dans son dernier rapport, qui n'a pas été rendu public, la Commission Ksentini a évoqué également «les oubliés» de «la réconciliation nationale». Il s'agit des déportés du Sud dont le nombre est estimé au plus à 18 000. «Ils ont été internés pendant de longues années dans des conditions extrêmement pénibles. Ils ont subi un préjudice moral et physique indiscutable et n'ont pas été indemnisés.» «En plus de cela, ils n'ont jamais été traduits en justice puisqu'ils ne sont coupables de rien. Il faut faire un geste à leur endroit dans le cadre de la réconciliation nationale», a estimé Farouk Ksentini proposant une indemnisation à ces ex-détenus des camps d'internement administratif du Sud (Béchar, In M'guel, etc). Farouk Ksentini a également appelé à prendre en charge les personnes qui ont subi des dommages matériels en raison du terrorisme. «Il y a des gens qui ont perdu leurs usines, leurs habitations, leur bétail, leurs véhicules. Toute cette catégorie de la population n'a pas été indemnisée alors qu'il faut le faire. Il faut tenir compte de leurs revendications puisque le préjudice qu'ils ont subi est certain», a-t-il noté. Enfin, des mesures législatives et légales doivent être prises pour régler le problème des enfants nés sous X dans les maquis aux fins de leur attribuer une identité. «Et s'ils ont des études à faire, il faut les prendre en charge matériellement. C'est à l'Etat de le faire pour que ces enfants soient correctement traités», a-t-il précisé.