La symbolique place Tahrir qui rassembla les révoltés égyptiens au début de 2011, renoue avec ses grandes manifestations Des militants égyptiens qui avaient lancé la révolte à l'origine de la chute de Hosni Moubarak en 2011 veulent maintenir la pression avec de grandes manifestations aujourd'hui après le verdict jugé trop clément contre l'ex-raïs. M.Moubarak et son ancien ministre de l'Intérieur, Habib al-Adly, ont été condamnés samedi à la perpétuité mais six responsables de la sécurité également poursuivis pour meurtres après la mort d'environ 850 personnes pendant la révolte de janvier/février 2011 ont été acquittés. Ces verdicts qui ne désignent aucun coupable direct dans la mort de ces centaines de manifestants ont provoqué la colère et de nombreux rassemblements à travers le pays. Le parquet a annoncé qu'il ferait appel, mais selon une source judiciaire ce processus pourrait prendre plusieurs semaines. Un des six anciens chefs de la Sécurité reste cependant en prison, le chef du département de la Sécurité de l'Etat, Hassan Abdel Rahmane, en attendant l'issue de l'enquête sur la destruction de documents de ce service autrefois redouté et aujourd'hui dissous. Des organisations de défense des droits de l'homme ont jugé que l'acquittement des six ex-hauts responsables de la sécurité était un déni de justice qui pourrait encourager une culture d'impunité dans la police. Les formations pro-démocratie dont le Mouvement du 6-Avril, la Coalition des jeunes de la révolution et l'Union des jeunes de Maspero ont appelé à manifester aujourd'hui à partir de 15h00 GMT. Deux candidats à la présidentielle éliminés au premier tour, le nationaliste de gauche Hamdeen Sabbahi et l'islamiste modéré Abdel Moneim Aboul Foutouh, conduiront chacun un cortège en direction de la célèbre place Tahrir au Caire. Les deux hommes étaient arrivés 3e et 4e au premier tour d'un scrutin qui va désormais se jouer au second tour les 16 et 17 juin entre Mohamed Morsi, le candidat des Frères musulmans, et Ahmed Chafiq, le dernier Premier ministre de M.Moubarak. La condamnation de M.Moubarak, 84 ans, premier des dirigeants balayés par le «Printemps arabe» à comparaître en personne devant un juge, a provoqué la colère parmi les protestataires. L'ancien président a échappé à la peine de mort requise par le parquet, et il a également été blanchi des faits de corruption qui lui étaient reprochés. Ses deux fils, Alaa et Gamal, poursuivis également pour corruption, n'ont pas été condamnés, les faits qui leur étaient reprochés étant couverts par la prescription, une décision ayant également provoqué la colère et des manifestations au Caire, à Alexandrie et d'autres villes. La condamnation de M.Moubarak «est un pas significatif pour combattre l'impunité qui règne depuis longtemps en Egypte» mais les acquittements «font que beaucoup attendent encore justice», a estimé Amnesty International. L'issue du procès alourdit encore le climat à l'approche du second tour de la présidentielle. Les militants pro-démocratie se retrouvent devant un choix difficile: élire une figure de l'ère Moubarak serait admettre la fin de la révolution et choisir Mohamed Morsi voudrait dire confier le pays à un mouvement qui selon eux a cherché à monopoliser le pouvoir depuis le soulèvement. A moins de deux semaines du vote, un mouvement de boycott gagne du terrain, avec notamment le soutien des acteurs Khaled el-Sawy et Amr Waked. Les manifestants de Tahrir proposent pour leur part un conseil présidentiel, une idée rapidement rejetée par M.Chafiq et que M.Morsi n'acceptera probablement pas. MM. Aboul Fotouh et Sabbahi se sont vus dimanche pour coordonner leurs positions et devaient rencontrer M.Morsi hier. Après l'annonce du verdict samedi, le candidat des Frères musulmans a appelé les Egyptiens à poursuivre leur «révolution», avant de rejoindre la foule sur la place Tahrir pour une quinzaine de minutes. Et dimanche, M.Chafiq a attaqué les Frères musulmans, en affirmant qu'ils allaient ramener le pays «vers le Moyen âge».