Même les profanes ont compris que Mikhalif et Chorfi s'attaquaient et se répondaient «cordialement». Les interventions des présidents des groupes parlementaires, dans la nuit de ce mardi, a été une occasion pour mettre de nouveaux points sur les i. La rupture entre le FLN et les actuels responsables a ainsi été confirmée. Mieux, le parti de Benflis a profité de l'énorme chance du direct à la télévision pour accuser «de hautes sphères de l'Etat», le président-candidat qui avait déjà été nommément désigné lors de précédentes sorties publiques, d'être derrière le harcèlement contre la presse, mais aussi derrière les attaques menées contre le FLN sous couvert d'une instrumentalisation éhontée de la justice et de certaines instances administratives. Avant l'intervention du président du groupe parlementaire du FLN, Abbas Mikhalif, le chef de file des députés du RND, Miloud Chorfi, a consacré la dernière partie de son discours de vingt minutes aux questions politiques. Il a, ce disant, lancé un nombre impressionnant de piques en direction de son frère ennemi, le FLN. «Le RND abordera le sujet de la présidentielle en temps opportun, quand la situation s'y prêtera. Il refuse de brûler les étapes. Il estime que des défis autrement plus importants l'attendent alors que ce rendez-vous électoral est encore lointain.» Le discours s'aligne parfaitement sur celui du président même si rien ne dit que Ouyahia et ses troupes iront jusqu'au bout dans leur soutien à une seconde candidature de Bouteflika, comme l'a indirectement signifié un Chorfi particulièrement en forme depuis que son parti a de nouveau le vent en poupe. L'allusion, visant la «candidature anticipée» de Benflis, s'est voulu une sorte d'attaques indirectes, dans laquelle un distingo a tenté de s'établir entre ceux qui travaillaient de manière désintéressée pour le bien de tous et ceux qui ne pensent qu'à la prochaine présidentielle. Ce député, qui s'est nettement rapproché de Bouteflika depuis la dernière crise de juin 2002, a carrément sorti ses griffes, mettant en garde (le FLN) contre «toute dérive risquant de mettre en péril le devenir de l'Etat algérien». Le FLN, dans l'intervention de Abbas Mikhalif, le président de son groupe parlementaire a accordé quelques minutes à peine à la loi de finances, juste pour critiquer la démarche actuelle des pouvoirs, notamment dans la distribution des enveloppes budgétaires, l'usage qui en a été fait ainsi que l'injustice sociale et la paupérisation qui ne cessent d'augmenter dans notre pays. La part du lion, toutefois, est allée aux questions politiques, comme mentionné plus haut dans le texte. Mikhalif, dont le parti ne devrait pas hésiter à voter cette loi qu'il critique afin d'éviter le piège présidentiel, a violemment pris à partie les pouvoirs publics par rapport aux dépassements commis contre la presse et son parti. Ces remises en cause de la démocratie, a estimé l'intervenant, «entre dans un plan global qui a fait que le pouvoir a été retiré des mains du parti majoritaire dans le pays, ce qui représente un non-sens, un de plus, dans un pays qui prétend coller à la modernité et aux grands préceptes internationaux de liberté et de démocratie». La réponse du FLN au RND est on ne peut plus claire, puisque le parti de Ouyahia, minoritaire, s'est retrouvé aux commandes de l'Etat, grignotant régulièrement une nouvelle parcelle de pouvoir, sans la moindre légitimité populaire. Mikhalif a également touché du doigt les «dangers liés à l'instrumentalisation de la justice». Allusion faite aussi bien à la première condamnation anormale et illégale dont avait été victime le FLN légitime ainsi que le récent mouvement dans le corps des magistrats lequel s'est opéré dans une totale opacité, laissant craindre le pire à l'ensemble des observateurs et des représentants de la classe politique. Longtemps reporté, donc, le conflit entre le FLN et le RND a fini par éclater, même si la première bataille a eu lieu à fleurets mouchetés, en annonçant d'autres, autrement plus «mémorables» à mesure que se rapprochera la date de la présidentielle. Les citoyens demeurés fidèles à l'Entv, ont constaté en direct à quel point le conflit au sommet de l'Etat est allé loin pour atteindre un degré de pourrissement tel que tout espoir de rémission semble désormais proscrit. Réuni le même jour en session ordinaire, le bureau national du FLN a, lui aussi, rendu public un communiqué virulent dans lequel il est revenu sur les évènements chauds du moment. Le BP a ainsi condamné de nouveau «la poursuite de la campagne de déstabilisation et d'intimidation menée contre (le FLN) par certaines sphères de l'administration à l'instigation du président-candidat». Le FLN, dans sa riposte, prépare des dossiers et des preuves sur toutes les atteintes dont il a été victime afin d'en saisir la justice et d'en informer l'opinion publique. Une condamnation sans ambages est également formulée par rapport à l'immixtion des pouvoirs publics dans le fonctionnement interne du syndicat des magistrats. Il semblerait, en effet, que Tayeb Louh ait pris une part très active dans le putsch qui a visé son président, Ras El-Aïn, coupable d'avoir dénoncé l'instrumentalisation de la justice au profit de ceux qui veulent mettre le FLN au service de leurs ambitions politiques. Retour aussi sur les grandes et importantes dépenses opérées à tour de bras à des fins strictement électoralistes et qui font craindre le pire au FLN: «le BP a exprimé sa plus vive préoccupation devant les manoeuvres du président-candidat consistant à exhumer, à la veille de la fin de sa magistrature, des dossiers longtemps gelés par lui. Cette situation prend un tournant particulièrement dangereux s'agissant de dossiers sensibles dont le traitement nécessite une approche et un débat sereins, loin des calculs politiciens et des démarches improvisées. Devant l'utilisation des deniers publics à des fins inavouées, soit par le recours au budget de l'Etat, soit par le biais de certaines entreprises publiques, sous prétexte d'impulser le développement (...) le BP rappelle l'obligation qui s'impose à tous du strict respect des règles régissant les dépenses publiques.»