La majorité des députés qui sont intervenus hier ont relevé la disparité entre l'embellie financière et le vécu du citoyen. Finalement, et même si le chef du gouvernement est assuré de décrocher haut la main un vote de confiance de la part de l'APN, il n'en a pas moins essuyé une salve nourrie de critiques, émanant de l'écrasante majorité des députés, y compris ceux qui composent l'Alliance présidentielle de même que la coalition gouvernementale. Beaucoup de députés, conscients en somme que leur mandat touche à sa fin, ont tenu à mettre en avant la «fantastique disparité» qui existe entre les chiffres macro-économiques fournis par Ahmed Ouyahia dans son bilan et la situation de plus en plus dramatique dans laquelle vivent les citoyens. Même si les élus du FLN, du RND et du MSP ont tenté de mettre les formes, certains n'ont pas manqué de relever qu'entre les 6 % de taux de croissance et les 3 % d'inflation, c'est une énorme richesse qui vient d'être dégagée. Or, les citoyens, ont toujours estimé les intervenants, n'ont eu droit qu'à des hausses dans les prix des produits de première nécessité sans que les salaires, jamais, n'aient été révisés à la hausse depuis fort longtemps. Plus incisif que ses alliés, le MSP est allé un peu plus loin en remettant sur le tapis, notamment à travers l'intervention de Fateh Guerd, la question de la levée de l'état d'urgence, mais aussi celle de la suppression de la chariaâ en tant que discipline scolaire. Véritable «fausse note» quand même dans cette sorte d'unanimisme, où ces critiques n'ont été faites que pour la forme, Abbas Mikhalif, ancien président du groupe parlementaire du FLN, parti majoritaire à cette assemblée, s'est livré à une intervention d'une rare virulence avant d'être applaudi par ses pairs ainsi que par les élus du PT. Il sera, par la suite, assailli par les journalistes, refusant d'ajouter le moindre mot, se contentant juste de distribuer la copie de sa déclaration. Les présidents des groupes du FLN et du RND, Layachi Daâdoua et Miloud Chorfi, rencontrés dans les couloirs, ont, quant à eux, tenté de minimiser les conséquences de cet «acte isolé», précisant que «les députés, suivant les consignes de leurs partis, sont libres de s'exprimer comme ils l'entendent suivant leur conscience et leur vision des choses». Toujours est-il que Mikhalif a commencé par mettre en avant «la disparité criante entre le bilan chiffré et la réalité du terrain», avant de se demander pourquoi «l'APN est en train de devenir une simple officine au service d'un certain ministère de l'actuel gouvernement». Mikhalif, qui parle de «déséquilibre entre les pouvoirs», s'inquiète de la «perte de l'institution législative de l'ensemble de ses prérogatives au profit du pouvoir exécutif», le tout sur fond de mécontentement à cause du fait que «le parti majoritaire soit réduit en minorité sur le plan pratique». Autre phénomène troublant, si plusieurs députés ont «passé la main» à cause de l'insuffisance du temps imparti (cinq minutes chacun), préférant remettre leurs documents à Ouyahia, ce qui a été assimilé à une sorte de «censure», le député indépendant, Mohamed Djemiî, P-DG de LG Electronics, a évoqué les propos du poète qui dit regretter souvent d'avoir parlé, mais jamais de s'être tu, avant de claironner que «silence sera la plus criante des déclarations». Pour ce qui est de l'opposition «classique», les députés du mouvement El Islah, comme il fallait s'y attendre, ont critiqué «l'Alliance présidentielle» sous les protestations de ses membres. Ils se sont également demandés «s'il n'y a pas de non-dits dans le dialogue gouvernement-archs avec des annonces qui risquent de faire grincer pas mal de dents une fois rendues publiques». Le mouvement El Islah, en dépit du fait que son groupe est scindé en deux parties belligérantes, a tenu un discours cohérent et extrêmement critique en direction de l'action gouvernementale. Le PT, par la voix de plusieurs de ses députés, a lui aussi contesté ce bilan, craignant beaucoup plus les conséquences «néfastes» des actions futures. Pour les élus nationaux du PT, en effet, «le désengagement total de l'Etat, sans le moindre plan de développement économique pré-établi, constitue une démarche suicidaire pour les citoyens, mais aussi pour tout le pays». Djelloul Djoudi, président du groupe parlementaire, a également évoqué le sujet de la dette. Pour lui, si celle-ci a baissé, en une année, de 1,7 milliard de dollars, «le gouvernement se garde bien de dire combien l'Algérie a payé dans le cadre des services de cette même dette». Il ajoutera, comme cela avait été largement démontré lors des journées d'études parlementaires organisées par ce parti, que «c'est l'engrenage du paiement des services de la dette qui se trouve derrière l'effondrement de nombreux Etats africains». Djelloul Djoudi est également revenu sur les affirmations et assurances du gouvernement qui déclare qu'«aucun journaliste n'a été emprisonné pour ses écrits». Si la chose est en effet vrai, il n'en demeure pas moins que «les articles 144 et 144-bis du code pénal prévoient des peines d'emprisonnement, ce qui contredit foncièrement les principes de démocratie et de liberté de la presse». Les interventions se poursuivront encore aujourd'hui alors que les chefs de groupes parlementaires auront à donner la quintessence des remarques, critiques et soutiens de leurs partis respectifs ce mercredi. La réponse du chef du gouvernement ainsi que le vote de confiance interviendront, quant à eux, ce samedi. Même s'il ne s'agira que d'une simple formalité, il convient de souligner que le gouvernement, désormais, est tenu par une véritable et pressante «obligation de résultat». C'est, du reste, la même condition qui avait été posée par le président Bouteflika lors du premier Conseil des ministre qui avait suivi le remaniement ministériel intervenu au tout début du mois courant.