tribunal militaire du Kef délibère depuis une semaine et doit rendre un jugement attendu et très délicat, au terme de six mois de procès qui ont laissé un goût amer aux familles des victimes. La justice militaire tunisienne va rendre dans les prochains jours son verdict dans une des affaires les plus douloureuses de la révolution: la sanglante répression en janvier 2011 à Thala et Kasserine, pour laquelle la peine capitale a été requise contre l'ex-président Ben Ali. Le tribunal militaire du Kef (170 km au sud-ouest de Tunis) délibère depuis une semaine et doit rendre un jugement attendu et très délicat, au terme de six mois de procès qui ont laissé un goût amer aux familles des victimes. Zine El-Abidine Ben Ali -réfugié en Arabie Saoudite- et 22 anciens responsables de son régime, dont deux ex-ministres de l'Intérieur, sont poursuivis pour homicides volontaires ou complicité dans la mort de 22 personnes, tuées en janvier 2011 dans des villes du Centre-Ouest, essentiellement à Thala et Kasserine qui ont payé un lourd tribut à la révolution tunisienne. Le 23 mai, le tribunal militaire a requis la peine capitale contre l'ancien président tunisien, et «les sanctions les plus sévères» -c'est à dire la perpétuité selon des avocats-contre ses co-accusés. Mais pour les familles des victimes et leurs défenseurs, ce réquisitoire n'est que de la «poudre aux yeux», «du pur populisme», destiné à masquer la vérité et apaiser la colère des parties civiles. «On n'en a rien à foutre de Ben Ali!», tonne l'un des avocats des familles, Anouar El-Bassi. «C'est une mascarade. Dans tous les cas, le jugement sera inéquitable et la vérité ne sera pas connue», s'indigne-t-il. «Le peuple tunisien et l'Histoire ont besoin de savoir ce qui s'est passé, mais je crains que cela s'achève par de fortes indemnisations pour les familles, alors que celles-ci ne veulent que la vérité et la justice», renchérit sa consoeur Me Hayet Jazzar. Qui a donné l'ordre et qui a tiré sur les manifestants entre le 8 et le 12 janvier 2011 à Thala et Kasserine? C'est l'obsession des familles des 22 morts et des quelque 600 blessés. «Nous ne voulons pas de pitié. J'ai consacré tout mon temps depuis un an et demi à la recherche de la vérité et aujourd'hui il y a toujours des questions qui me brûlent et qui sont sans réponse», confie Helmi Chniti, le frère de Ghassen, tué le 8 janvier à Thala. Tout au long du procès du Kef, entamé fin novembre 2011, aucun des prévenus n'a reconnu avoir donné l'ordre de tirer sur les manifestants. Chacun a renvoyé la responsabilité à une «cellule sécuritaire de suivi» ou à «la salle d'opération» du ministère de l'Intérieur, sans jamais mentionner de noms. «Nous avons demandé en vain des analyses balistiques, le tableau d'affectation des responsables policiers, la transcription des instructions données par la salle de commandement et des conversations téléphoniques», relate Me Jazzar. «L'Intérieur n'a absolument pas coopéré», accuse-t-elle, s'indignant, à l'instar des victimes, que la majorité des accusés comparaissent en liberté. Pour des représentants de la défense en revanche, «le procès a été régulier en ce qui nous concerne». «Nous avons été écoutés, on a pu plaider convenablement», estime Me Sami Bargaoui, qui a requis un non-lieu pour son client, l'ex-directeur de la police anti-émeutes Moncef Laajimi, l'un des principaux accusés. «C'est un procès très sensible», reconnaît-il cependant. Certains évoquent le précédent égyptien et la colère populaire engendrée par le verdict jugé trop clément du procès Moubarak, le 2 juin dernier.